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vendredi 26 novembre 2021

Zemmour au fil des jours - 26 novembre 2021

 26/11/2021

Un journal que je ne nommerai pas annonce publier un scoop que je ne détaillerai pas au sujet de Zemmour. L'écrivain essaye de faire interdire la publication, et échoue. Il porte plainte. Comme il ne s'agit que de vie privée, cette chronique, vouée aux événements politiques, n'en parlera pas - sauf s'il y a interférence, car l'on ne saurait dès lors dissocier les deux domaines. Pour l'instant, pas d'interférence, nous en resterons là.

La Provence : "À Marseille, Zemmour rencontre surtout l'hostilité." Ce titre est incomplet, car il s'agit de l'hostilité d'activistes d'extrême gauche et d'islamistes, comme à chaque fois qu'il se rend quelque part. Il déclare : "Marseille est une ville symbolique, submergée par l'immigration, en partie islamisée. Son cosmopolitisme est un mythe. L'assimilation ne se fait plus. Marseille est l'anti exemple de la France que je défends. Si rien ne change, la France sera un immense Marseille."

Je n'ai pas vu que ces mots aient fait scandale. L'écho s'est tu, et Zemmour lâche ses petites phrases sans qu'aucun tintamarre médiatique ne s'ensuive. La mèche est mouillée, les pétards font plouf et De Villiers ne se rendra pas au Zénith.

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vendredi 19 novembre 2021

Zemmour au fil des jours - 19 novembre 2021

 19/11/2021

Zemmour et la Suisse, je n'y comprends rien. Ira, ira pas ? Le publiciste devait se rendre à Genève. Les Helvètes se rebiffent. Pas tous, mais une part influente d'entre eux, refusant d'accueillir dans la confédération une personne condamnée pour « provocation à la discrimination raciale » et « incitation à la haine religieuse », non seulement « par les tribunaux français », mais aussi « par l’opinion publique européenne ». Ces mots sont tirés d'une pétition en ligne apparemment rédigée à la va-vite et sans souci majeur du respect de la langue. Surprenante référence au passage à une « opinion publique européenne » dont je n'avais pas idée. Comment pouvoir se prononcer au nom d'une telle opinion ? Que professe cette opinion au sujet des migrants ? De l'islam ? Des éoliennes ? On serait curieux de le savoir, puisqu'il semble désormais possible de fonder pour partie une pétition sur un avis présenté comme étant majoritaire en Europe. Il va de soi que l'on ne saurait invoquer cette opinion sans l'avoir au préalable interprétée, exploit visiblement accompli par les promoteurs du texte.

En attendant, Londres. Zemmour avait réservé une salle. Réservation annulée. Le maire Sadiq Khan : « Je veux être clair. La force de notre ville est sa diversité. Alors ceux qui souhaitent diviser nos communautés et inciter à la haine contre des gens à cause de leur couleur de peau ou de leur religion ne sont pas les bienvenus dans notre ville. »

Zemmour trouve une autre salle, embarque sur l'Eurostar, ironise à son arrivée sur l'absence pour l'accueillir de M. Khan, « qu'Anne Hidalgo admire, là, j'ai tout compris. »

Pour ce genre d'uppercuts, il est bon. C'est même ce qui fait sa valeur médiatique. Depuis qu'il se rend çà et là pour promouvoir ses idées, il a renoncé aux affrontements. L'émérite boxeur descendu du ring n'est plus qu'un être fragile aux gestes gauches, premier de la classe vite insupportable quand il persiste dans ses élucubrations et décalé quand il déclame des propos polémiques. Sans adversaire direct, l'homme perd sa force, comme Antée soulevé du sol. Le dernier sondage en date le donne à 12%, derrière Marine Le Pen.

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jeudi 18 novembre 2021

Zemmour au fil des jours - 18 novembre 2021

 18/11/2021

L'accroche "Les inquiétants amis d'Eric Zemmour" orne la première page du Canard Enchaîné du 17 novembre. Page 3, le titre devient "Les charmantes fréquentations d'Eric Zemmour". Le journal dresse la liste de ces "amis", ou "fréquentations".

D'abord, un groupuscule portant le nom de "Famille gallicane", dont l'un des passe-temps est de tirer à l'arme à feu sur ces caricatures de Noirs, de Juifs et de musulmans. "Ces dernières semaines, la Famille gallicane s'est prise de passion pour Zemmour, dont elle colle les affiches", précise l'hebdomadaire. Le président de Génération Z a été interrogé : dès qu'il a eu connaissance de ces agissements sordides, les drôles ont été exclus, a-t-il affirmé. On ne voit pas trop en quoi ces individus (le Canard parle de nazillons) seraient des "amis" ou des "fréquentations" du futur candidat, que je n'ai jamais entendu préconiser la force brutale à l'encore de personnes en vertu de leur "race". Il explique même l'exact opposé dans son éloge de la méritocratie républicaine et, dans l'état actuel de mes connaissances, les réunions qu'il organise ne sont pas interdites à des personnes à cause de leur couleur de peau, chose comme on le sait possible dans des cercles qui entendent combattre la pensée de Zemmour.

Ensuite, deux "transfuges" du RN, Vincent Usher et Hugo Gagnieu, participent à la levée de fond pour le "polémiste". Comme le journal ne dit rien sur les opinions défendues par ces deux personnes, le matériel nous manque pour jauger "l'inquiétude" que doit provoquer leur présence dans l'état-major zemmourien.

L'article parle ensuite de Tristan Mordrelle tout en citant brièvement les termes de Libération. Décidément ! Un journaliste conscient de sa mission aurait sué sang et eau pour nous instruire sur les affinités nationales-socialistes, ou eugéniques, ou exterminatrices, ou négationnistes, ou lebensraum-compatibles, de ce personnage. Mais ici, rien. On reprend les mots de Libé. Voilà. Au lecteur de se débrouiller avec ça.

Dernier nom, Samuel Lafont. Son crime ? "Ex de La Manif pour tous et de la campagne de Fillon". Plus on avance dans le texte, et plus les "sympathies néonazies" que Radio Classique soulignait dans l'encart du Canard Enchaîné s'évaporent. Je crois pouvoir affirmer que tous les tenants de la manif pour tous, pas davantage que les anciens soutiens de Fillon, ne sont des adorateurs éperdus du IIIe Reich.

Comme je le redoutais, les révélations n'en sont pas vraiment - il faudra bien sûr surveiller les accointances entre les supports officiels de Zemmour avec les peu recommandables membres du groupuscule armé pour que nous sachions s'il y a quelque anguille sous roche. Les enquêteurs seraient également bien inspirés de nous instruire sur les opinions "extrémistes" des autres personnes citées. Faut-il le préciser ? Venir du RN, ou de l'entourage de Fillon, ou de La Manif pour tous, ou être fils de collabo, ne permettent pas d'établir des sympathies néonazies.

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vendredi 5 novembre 2021

Zemmour au fil des jours - 5 novembre 2021

5/11/2021

"_ Cette conférence dont je parlais, de M. Renan, en 1883, s'appelle L'islamisme et la science. Et, ensuite il parle de l'islam, parce qu'en fait, jusqu'à il y a trente ans, les deux mots étaient étroitement synonymes. En revanche, je fais une grande différence entre l'islam et les musulmans. Les musulmans peuvent très bien avoir une pratique, une approche, modérée de l'islam, mais comme disait mon vieil ami Malek Chebel malheureusement défunt, dans ce cas-là ils sont modérément musulmans. Et c'est bien ce qu'on a vu avec cette histoire de voile, comment cette pauvre femme s'est faite insulter et menacer de mort parce qu'elle osait prétendre qu'elle avait la liberté d'enlever le voile. En vérité il n'y a pas liberté d'enlever le voile en islam.

_ Si elle est menacée de mort ce n'est pas par l'ensemble des musulmans. Ce sont des islamistes.

_ Ce sont les seuls qui se sont exprimés."

Intéressante passe d'armes hier entre Zemmour et Henri Peña-Ruiz, auteur d'un "dictionnaire amoureux" de la laïcité (j'avoue n'avoir lu aucun de ces "dictionnaires amoureux" qui semblent surgir au sujet de tout et de son contraire ; peut-être l'alliance revendiquée entre le savoir (le dictionnaire) et la passion (amoureux) me laisse-t-elle sceptique, et passablement gêné, sans que j'exclue l'éventualité d'être ici dans l'injustice caractérisée). Je ne sais pas ce que M. Peña-Ruiz a écrit dans son "dictionnaire", mais un article dans Marianne, par lui signé, suscite la méfiance. "Dans une rue commerçante de Drancy (93), Éric Zemmour demande à une femme d’ôter son voile", peut-on y lire. Un lecteur occasionnel pourrait penser que l'horrible Zemmour a pris à partie une passante innocente pour violer sa conscience. C'est pour prévenir ce type de raccourci erroné que j'avais réalisé la transcription de l'échange, me doutant bien des abus auquel il donnerait prise. Le reste de l'article fonctionne sur le même genre d'approximations et de phrases alambiquées que l'on ne s'attendrait pas à trouver sous la plume d'un "agrégé de l'université et docteur en philosophie," je cite : "Embarrassée, la femme veut lui faire comprendre qu’à ses yeux le voile est un simple habit devenu habituel et comparable en cela à la cravate." La suite des événements a démontré au contraire combien ce "simple habit devenu habituel" (Diable !) n'est en rien comparable à la cravate.

M. Peña-Ruiz également à la peine quand il s'agit de démonter les partis-pris de Zemmour. La preuve par l'amalgame avait si souvent servi, et avec des résultats si déplorables, qu'on s'étonne de la voir ainsi brandie en guise d'argument, ce qu'elle n'est ni de près ni de loin. Or hier elle a été dégainée et lancée je ne sais combien de fois à la face de l'auteur de La France n'a pas dit son dernier mot qu'on ne peut s'empêcher de mettre en doute, une fois de plus, la capacité de celui qui l'emploie à formuler une argumentation un tant soit peu construite. L'écharpée finale, qui oppose la vision peña-ruizienne d'un intégrisme également présent parmi les trois grandes religions aux interrogations zemmouristes sur les crimes imputables aux fondamentalistes chrétiens contemporains restera sans doute comme un moment marquant de cette campagne.

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mercredi 3 novembre 2021

Zemmour au fil des jours - 3 novembre 2021

 3/11/2021

Patatras, le Conseil de l'Europe, affolé par la polémique, a renoncé à sa campagne en faveur du voile islamique. J'entends bien, mais la page présentant le port du hijab comme le summum de la liberté dans un monde inclusif est toujours en ligne, avec ses visuels bien léchés qui côtoient des dessins infantilisants (lien). Si cela se confirme, le message est clair : c'est l'opération de communication qui est suspendue, et non l'action de fond, qui ne relève pas d'un égarement passager. Inquiétante prise de position, par conséquent, de la part d'un organisme dont la Turquie est un État membre (voir www.coe.int/fr/web/about-us/our-member-states).

Comme prévu, Zemmour a réagi sur le sujet avec les mots attendus :


Réaction de Zemmour à la campagne pro-hijab du Conseil de l'Europe
Réaction de Zemmour à la campagne pro-hijab du Conseil de l'Europe. Le tweet d'origine a été supprimé.

Cette critique n'est pas isolée. On la retrouve largement à droite, au centre, un peu à gauche - pas assez en tout cas à mon goût. Rien vu de côté des mélenchonistes et consorts, mais pour en être sûr, il faudrait pouvoir consulter un blog "Mélenchon au fil des jours".

Demain, Zemmour revient sur Cnews pour une émission très spéciale, nous promet-on, de Face à l'Info.

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mardi 2 novembre 2021

Zemmour au fil des jours - 2 novembre 2021

 02/11/2021

Si même le Conseil de l'Europe s'y met... Une campagne pour présenter le port du voile islamique comme une "liberté" fait grand bruit, avec visuels explicites et injonctions déterminées, "Mon voile, mon choix", "Célébrez la diversité et respectez le hijab", "Comme le monde serait ennuyeux si nous avions tous la même apparence", etc. Le Conseil de l'Europe n'est pas l'Union Européenne, certes, mais le logo de l'UE, co-productrice de la campagne, apparaît parfaitement sur ces affiches. Ou comment conforter les partisans de Zemmour dans l'idée que l'Europe se mêle de ce qui ne la regarde pas et s'affirme comme un acteur de ce Grand Remplacement qui, tout en n'existant pas, s'expose au regard de tous via une communication officielle payée avec nos sous.

L'un des visuels du Conseil de l'Europe (lien)

Le sujet qui ressurgit, du côté PCF, est celui de l'inéligibilité d'un homme condamné pour "incitation à la haine". On en parlait déjà début octobre, et voilà que Fabien Roussel veut faire adopter cette mesure à l'Assemblée au début du mois prochain. Les analystes sont sceptiques sur les chances de succès. Une part des commentateurs observe que cette manœuvre cache l'incapacité d'une gauche au plus bas dans les sondages à opposer des arguments à Zemmour. Ce dernier traite Roussel de "communiste d'opérette", "totalitaire dans ses idées et pitoyable dans ses actes", tandis que Mélenchon, au moins, est "un vrai bolchévique à l'ancienne, qui va au contact de l'adversaire". Mouais. Toujours ces comparaisons hasardeuses et à la morale discutable, pour le moins, qui ne font pas honneur à Z. Les horreurs perpétrées par ces  "bolcheviques à l'ancienne" (pour le coup, totalitaires aussi bien dans les idées que dans les actes) devraient pourtant le garder de qualifier ainsi un homme politique, quand bien même il voudrait le flatter. Mais on sait combien Zemmour demeure étanche à ce type de considérations qui ne sont pour lui que sensiblerie mal placée.

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dimanche 31 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 31 octobre 2021

 31/10/2021

Raciste, négationniste, xénophobe, antisémite, islamophobe, facho, virus. Aujourd’hui, Anne Hidalgo vient d'ajouter une nouvelle entrée à la Norme des injures qu'il est possible d'adresser à Zemmour : guignol.

"J’en appelle à ce que cette élection présidentielle soit une vraie élection avec un vrai débat et pas une candidature d’un guignol. C’est un guignol qui est en train de porter notre pays vers une situation qui ne correspond en rien à ses valeurs. Je veux que le débat de cette élection porte véritablement sur la vie des Françaises et des Français". Ce n'est pas tout : elle déplore que "Zemmour occupe l’espace médiatique de manière éhontée" et appelle le CSA à la rescousse.

Anne Hidalgo traite Éric Zemmour de Guignol : quelques titres
Anne Hidalgo traite Éric Zemmour de Guignol : quelques titres

Il est difficile de parler d'Anne Hidalgo sans tirer sur l'ambulance. Je m'étais ici affligé du manque de naturel de Zemmour dans ses premières vidéos, je dois maintenant reconnaître qu'avec Mme Hidalgo nous sommes mis en présence d'un nouveau sommet, tant elle paraît "fausse" et son discours emprunté. Je le dis sans plaisir. Un candidat de la gauche sociale-démocrate responsable, crédible, intelligent, fait cruellement défaut, tant l'actuelle maire de Paris semble loin de ce portrait. Ses interventions rappellent, d'une certaine façon, les pires prestations de Ségolène Royale. Les sondages placent Mme Hidalgo autour des 5%. C'est misérable, d'autant plus qu'on ne la voit guère "renverser la table" pour donner un nouveau souffle à une campagne déjà à la peine.

Le CSA, pour mémoire, a déjà sévi en provoquant l'éviction de Zemmour de l'émission Face à l'Info. Si le but était de supprimer l'homme de notre actualité, l'échec est total. Nous l'avons déjà dit, toutes les nouvelles mènent à Zemmour, et l'on ne saurait concevoir une discussion sur la sécurité, l'islamisme, le futur de notre pays ou d'autres sujets sensibles sans évoquer ses idées, fût-ce pour s'efforcer de les combattre.

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mardi 26 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 26 octobre 2021

26/10/2021

On se demande combien gagnent les scénaristes de Netflix, Canal +, Disney, etc., pour nous pondre des histoires souvent indigentes aux dialogues mille fois entendus, quand on découvre la séquence qui mit hier, en direct, Eric Zemmour en position de dialoguer avec une femme voilée. Contenu explosif, apparemment, puisque le tweet annonçant l'extrait a été retiré presto par Cnews, et que la vidéo elle-même a, dit-on, disparu de Youtube. Je ne sais pas ce qu'il en est mais je l'ai trouvée il est vrai sur Dailymotion - ci-dessous - sans aucune garantie qu'elle fonctionne. Gardons-nous des sortilèges de l'image : le verbatim du dialogue permet, je pense, de mieux comprendre encore par quels détours est passée la discussion et de quelle manière le dialogue parfois vif s'est déroulé. Un dialogue, je le répète, qu'aucun cinéaste n'aurait osé imaginer, et surtout pas présenter sous la forme qui suit.



Jean-Marc Morandini Je voudrais savoir, Rachida, pourquoi vous portez le voile ?

Rachida Bonjour monsieur Zemmour, bonjour monsieur Morandini. Si je porte le voile aujourd'hui, c'est parce que j'ai choisi de le porter. Je le porte depuis peu, mais c'est vraiment parce que mon cœur, ma foi, m'a dicté, m'a guidé vers ce voile, vers ma confession qui est musulmane. Pourtant je suis française, mais j'ai ma petite religion, qui est très grande, et que je respecte, comme toutes les autres religions. Ce voile, ce bout de tissu que je porte sur la tête, fait de moi la femme que je suis, et je ne changerai pas.

JMM Est-ce que ça vous choque, Eric Zemmour, de voir Rachida dans la rue, comme ça, avec le voile ?

Zemmour Oui. Et je vais lui dire pourquoi.

R Dites-moi.

Z D'abord, si vous voulez, est-ce que vous imaginez, à la Mecque, une jeune femme en minijupe ?

R Je ne suis pas à la Mecque.

Z Par respect pour la Mecque, elle ne mettrait pas une minijupe.

R Comment pouvez-vous comparer la France...

Z Ah mais la France pour moi est sacrée. Ça c'est une première chose.

R Oui, mais comment pouvez-vous parler de la France...

Z (en même temps) Donc par respect... en France...

Z Vous savez, il y a un vieil adage en France, qui dit "à Rome, fais comme les Romains".

R D'accord.

Z Donc à Rome on fait comme les Romains. Au Maroc, on fait comme les Marocains.

R Mais je fais, je suis française, je travaille...

Z (en même temps) Non, non, madame, vous ne faites pas comme les Français

R ... je travaille, je paye mes impôts, j'éduque mes enfants

Z Mais ça...

R ... mes enfants vont à l'école, je travaille, j'ai toujours travaillé, ça fait vingt ans que je travaille...

Z Chère madame...

R ... j'ai toujours respecté mes frères, mes sœurs, mes cousins, mes voisins, mes amis, mes collègues, mes patrons...

Z Chère madame...

R Je les ai toujours respectés.

Z Ça, vous le... je peux parler ?

R Et ce bout de tissu, M. Zemmour, excusez-moi, ce bout de tissu M. Zemmour, ne fait pas une personne, je suis une femme. Voyez la femme que je suis, ne voyez pas le tissu que je porte sur la tête.

Z Moi je ne vois que le tissu que vous avez sur la tête. Parce que vous, vous ne montrez que ça. Voilà. Quand vous êtes dans l'espace public, qu'est-ce que vous... laissez-moi répondre.

R Oui, je vous laisse parler.

Z ... vous montrez votre tissu. Donc vous dites à tout le monde : "je suis musulmane".

R Non.

Z La France... bien sûr que si ! La France, vous savez, c'est la laïcité. On n'est pas dans un pays arabo-musulman.

R Mais justement ! C'est un pays laïc !

Z Laissez-moi finir. Laissez-moi finir. Laïc, qu'est que ça veut dire ? Ça veut dire, d'une part, la liberté religieuse, mais ça veut dire aussi, madame, le devoir de discrétion. Ça veut dire que dans l'espace public, on ne dit pas à tout le monde "vous voyez, je suis musulmane". Non ! On dit  "je suis français". Je finis. Vous savez, madame, quand vous dites...

R Un bout de tissu.

Z Un bout de tissu qui veut dire tout !

R Non.

Z Madame, le vêtement est éminemment politique. Et je vais vous dire quelque chose : vous savez, vous dites, "c'est moi qui l'ai voulu, c'est ma foi, etc."

R Oui.

Z Bon. Vous savez très bien que l'islam ne repose pas exclusivement sur la foi, qu'il y a des injonctions très strictes, très précises...

R Ni sur un bout de tissu.

Z Ni sur un bout de tissu. Très strictes, et qui avant tout relèvent du contrôle social. Donc en vérité, il y a antithèse, antinomie, entre la liberté individuelle que vous revendiquez, et l'islam qui est une religion qui ne connaît pas la liberté individuelle, puisque islam veut dire soumission.

R Non.

Z Donc quand vous nous dites...

R Non.

Z Ah si madame, islam veut dire soumission.

R Non.

Z Qu'est-ce que ça veut dire ?

R Soumission, ça veut dire qu'il faut que je demande l'autorisation à mon mari, pour que je...

Z Non, non, non, non. Vous demandez l'autorisation au texte.

R Non !

Z Vous demandez l'autorisation au texte.

R Je suis une femme libre.

Z (en même temps) c'est le texte qui vous commande.

Z Non, madame. Vous n'êtes pas libre, non.

R Libre. Et c'est ce que j'inculque...

Z (en même temps) ça n'existe pas en islam

R C'est ce que j'inculque et ce que je dis à mes enfants. C'est la liberté. Nous sommes en France.

Z Madame...

R Liberté, égalité, fraternité, monsieur Zemmour. Respectez uniquement la liberté. Respectez la femme que je suis, non pas le foulard que je porte. Juste la femme que je suis.

Z Alors enlevez-le si ce foulard n'a pas d'importance !

R Enlevez votre cravate à ce moment-là !

Z Mais je l'enlève quand vous voulez.

R Mais moi aussi.

Z Mais la cravate n'est pas un (inaudible)

JMM Allons-y ! Allons-y !

Z Mais la cravate, madame... mais la cravate...

R Enlevez votre cravate, j'enlève mon tissu !

Z Alors très bien.

(il passe le micro à JMM et commence à dénouer sa cravate. Ce faisant :)

Z Et je signale que la cravate n'est pas un élément religieux. Et que donc elle ne signale rien de la religion.

R Le foulard non plus...

Z, sans cravate et le col relevé : Allez-y madame !

R Le foulard c'est la foi, c'est ce que l'on porte en nous.

Z Non, non. C'est l'injonction religieuse. Ce n'est pas la foi, madame. En islam... j'attends toujours que vous enleviez votre foulard. Allez-y, je vous en prie.

R Oui, je vais l'enlever. Et vous allez me respecter pour autant ?

Z Mais bien sûr.

R Ah, d'accord. (elle commence à défaire son foulard) Alors, tissu ou pas tissu, c'est le respect qu'on cherche.

Z C'est une évidence.

R On est d'accord.

Z On est d'accord.

R La liberté.

Z Non.

R (en détachant les syllabes) Je choisis de le porter, je choisis de le retirer.

Z (en même temps) Madame... C'est faux, madame.

R On va rien (inaudible) imposer...

JMM Laissons-la retirer, laissons-la retirer.

Z Je vous en prie.

R Personne ne m'imposera quoi...

Z Je vous en prie.

R Je décide, faut bien l'entendre, hein, je décide de l'enlever.

JMM Et vous décidez de l'enlever, voilà.

Z Très bien.

R Voilà

Z Très bien. Non, vous ne l'enlevez pas, là, voilà, très bien.

(R est maintenant tête nue. On entend des hommes crier quelque chose dans la rue)

R, regardant Z : Alors ?

Z Très bien, alors vous voyez, là, là, vous respectez la laïcité.

R Non, non, non, je me respecte moi-même.

Z Non, madame. Non, madame.

(ils parlent en même temps)

R Sachez une chose : le foulard ne fait pas la religion. Non, le foulard ne fait pas la religion.

Z Je suis d'accord avec vous.

R Comme votre cravate, ça ne vous donne pas plus d'intelligence ?

Z Ah, absolument d'accord. On est d'accord. Mais ça n'a rien à voir.

JMM Est-ce qu'aujourd'hui, sans foulard, là, maintenant que vous avez enlevé le foulard à la demande d'Eric Zemmour...

Z Ah non, pas à la demande, pas à la demande.

R Pas à la demande. J'ai décidé de le retirer.

JMM Bon, enfin, c'est un échange. Vous avez décidé de le retirer, je suis d'accord. Est-ce que vous vous sentez différente, sans foulard ?

R Non ! Non !

Z Alors pourquoi vous le mettez ?

R Parce que j'ai décidé de le porter !

Z C'est faux, madame.

R Parce que c'est ma foi, monsieur.

JMM Eric Zemmour, le fait qu'elle l'ait enlevé, qu'elle a enlevé son foulard, ça prouve que c'est une femme libre.

Z Mais...

R Mais oui !

Z Chère madame. Je vous rép... Oui bien sûr c'est très bien, je vous remercie. Ce que je veux dire - vous voyez, vous le remettez !

R Vous pouvez remettre votre cravate aussi.

Z Mais je vous en prie. Moi je vous répète que ce n'est pas un signe religieux.

R Ce n'est pas un signe religieux...

Z Non.

R Même le foulard.

Z Si.

R Non.

Z Ben pourquoi vous le remettez alors ?

R Vous voyez !

Z Puisque vous dites que c'est la foi. Madame...

R Vous avez juste vu les cheveux en plus, sinon c'est la même femme qui est en face de vous, monsieur Zemmour, vous avez la même personne.

Z Vous vous contredisez.

R Vous avez la même personne en face de vous.

Z Vous vous contredisez.

R Vous avez vu, je n'ai pas changé.

JMM Attendez, attendez.

Z Si vous ne me laissez pas parler, on ne peut pas discuter. Vous vous contredisez. Vous dites que c'est un acte de liberté, et après vous dites que ce n'est pas un signe religieux. Faudrait savoir. Pourquoi vous le mettez si ce n'est pas un signe religieux ? C'est évidemment un signe religieux.

R Non.

Z Et c'est évidemment écrit dans le Coran. Et vous respectez le Coran. Vous n'êtes pas libre, car en islam il n'y a pas de liberté individuelle.

R Monsieur Zemmour...

JMM On va essayer d'avancer un petit peu. Attendez, je vous redonne la parole dans un instant. (à Zemmour) La kippa vous gêne de la même façon ?

Z Oui. Moi, vous savez, quand j'étais enfant...

JMM Donc vous êtes pour qu'il n'y ait plus de kippas non plus dans la rue.

Z Absolument. Quand j'étais enfant, moi, je suis de confession juive, tout le monde le sait, quand j'étais enfant j'habitais là et on allait parfois à la synagogue. Et on mettait la calotte - on appelait ça calotte, d'ailleurs, en français - on mettait la calotte dans la synagogue, évidemment. Et dès que je sortais de la synagogue, ma mère me disait : "tu mets ça dans ta poche". Pourquoi ? Parce que elle, elle respectait la laïcité. La religion, c'est dans le privé. Ce n'est pas dans le public, dans l’espace public, et je vais vous dire pourquoi. Est-ce que vous savez pourquoi on ne met pas la religion dans l’espace public ? Parce que sinon, il ne peut pas y avoir de débat démocratique. Je m'explique. Si entre nous on peut discuter, voyez, sauf que à partir d'un certain moment vous allez me dire "c'est ma foi", donc on ne peut plus discuter, parce qu’il y a Dieu qui vient. Donc on sort Dieu du débat démocratique. Et dans l'espa...

JMM Elle n'a pas évoqué Dieu.

Z Si, si ! Elle a dit "c'est ma foi" !

R Oui !

Z La foi, c'est Dieu.

JMM Ça ne vous empêche pas de parler, Eric Zemmour.

Z Bien sûr. Mais ça nous empêche d'avoir un débat à égalité. Elle, elle est portée par la foi de Dieu.

R Je vous considère comme tout homme...

Z Vous ne comprenez pas ce que je dis.

R Juste, comme je vous dis, je suis une femme, vous discutez avec une femme, là, pas avec une musulmane. Vous parlez avec une femme...

Z Non !

R On est d'accord.

Z Non madame.

R Je suis de confession...

Z Vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas...

R Vous êtes juif, ce n'est pas écrit sur votre front  

Z Justement, ce n'est pas écrit sur mon front, vous, c'est écrit sur votre front.

Fin de la transcription.

Ce dialogue a quelque chose que je trouve passionnant, tout simplement parce que c'est un dialogue. Pas d'invectives. Pas d'entourloupe. Pour Rachida, son foulard n'est qu'un bout de tissu, comme elle le répète, et faire toute une histoire pour ce morceau d'étoffe, nous dit-elle, ne servirait qu'une querelle bien vaine. Pourquoi lui chercher noise de vouloir ainsi honorer sa foi ? Du reste, cette pièce de vêtement est, selon elle, tout aussi anodine que la cravate que porte Zemmour.

Pour Zemmour, ce n'est pas un bout de tissu. C'est un signe distinctif : celui de l'allégeance à une religion. Son affichage public contrevient à la laïcité, et ne saurait dès lors prétendre à la neutralité. De plus, cette religion étant pour lui liberticide, à cause des multiples contraintes qu'elle fait peser sur ses fidèles, il ne saurait être question d'accepter le voile au nom de la liberté.

L'échange de bons procédés - l'homme retire sa cravate, la femme son foulard - est un jeu de dupes. Se défaire d'une cravate ne prête à aucune conséquence. Je n'ai pas vu des fanatiques de Monsieur de Fursac ou de Hugo Boss se fendre d'appels à la haine contre le sacrilège commis par Zemmour et exiger qu'on étranglât le drôle avec un nœud Windsor.

Rachida, elle, a reçu des menaces de mort. Celle qui voulait prouver sa liberté en même temps que sa foi subit la vindicte d'excités pour qui le retrait de ce bout de tissu est tout sauf bénin, preuve que la portée symbolique du foulard dépasse celle d'un simple vêtement. Les femmes courageuses, en Iran ou ailleurs, nous disent exactement la même chose. Retirer le voile est une liberté ? Sans aucun doute. Ceux qui en parlent le mieux sont des anciens musulmans, des apostats, qui s'efforcent d'attirer notre attention sur les manœuvres des Frères musulmans, ou autres organisations similaires, occupés à grignoter petit à petit notre société par des petites concessions sur des aspects apparemment anodins qui sont pour eux autant de victoires.

Dans le cas présent, le cours des événements, on le voit, sert davantage la cause de Zemmour que celle de Rachida, obligée de se garder de ses coreligionnaires outrés par le geste d'une femme se croyant libre ; le futur candidat se trompe lourdement, toutefois, quand il néglige cette tendance profonde qui pousse l'homme libre à préférer, plébisciter parfois, la tyrannie. Jean-François Revel avait consacré un essai éblouissant à cette tentation totalitaire - c'est le titre de l'ouvrage - qui scandalisa tant les "bien-pensants" de l'époque. Plus d'une décennie avant le livre de Fukuyama, il apportait déjà un démenti à la perspective d'une fin de l'histoire. Nous aurions tort de l'oublier et de considérer que les femmes choisissant d'arborer un symbole de soumission le font contre leur gré.

PS - je trouve la vidéo de l'émission entière sur la chaîne de Zemmour. La voici.

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lundi 18 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 18 octobre 2021

18/10/2021

L'un des sujets à la mode, dernièrement, est l'éventuelle alliance entre Zemmour et Marine Le Pen. Ménard (certes pas l'auteur du Quichotte, je parle ici de Robert) œuvre à cette fin pour donner vie à cette « alliance des droites » qu'il appelle depuis longtemps de ses vœux. Une sourde rumeur insinue que Zemmour deviendrait peut-être le premier ministre de Le Pen. Je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais enfin, c'est plutôt Mme Le Pen qui me paraît en position de briguer un ministère si Zemmour était élu, et encore je la vois mal exercer la moindre responsabilité. Si la bataille s'est réellement engagée entre « le parti du sursaut et le parti de l'Autre », pour reprendre la formule lumineuse d'Alain Finkielkraut, alors Zemmour est aujourd'hui le plus prometteur défenseur du « parti du sursaut » - tout simplement parce qu'il est seul à endosser clairement ce rôle. Je l'écris sans aucun enthousiasme, tant sont grandes mes réserves sur l'homme.

L'autre thème porteur et en voie de banalisation, ce sont les attaques à l'arme blanche. Un islamiste norvégien a commis un petit massacre urbain (cinq morts, je ne sais combien de blessés) avec un arc et une arme contondante non identifiée, un député britannique est mort sous les coups de poignard d'un autre agresseur de la même obédience, une guirlande de « faits divers » de la même espèce émaillent l'actualité de l'hexagone et des pays voisins sans que l'on sache toujours les motivations de l'assaillant, selon la presse. Et voilà que deux enseignants marseillais reçoivent des menaces de mort assorties d'une photo de Samuel Paty, tandis qu'un appel à couper les têtes de Zemmour et Marine Le Pen a circulé un certain temps sur les réseaux sociaux. Voici l'âge de l'horreur ordinaire.

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dimanche 17 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 17 octobre 2021

17/10/2021

Pascal Praud a eu mille fois raison, cette semaine, de critiquer la façon dont Zemmour cite Les Tontons flingueurs dans un chapitre où il évoque l'assassinat d'enfants par Mohamed Merah. Je trouve ce passage, ainsi que quelques autres, navrant au plus haut point. Je me reconnais dans la plupart des critiques adressées au parallèle que fait l'écrivain entre l'assassin et ses victimes. Rien ne va dans ce court chapitre intitulé "La terre et les morts", ni l'enchaînement logique des prémisses, ni le style, ni les références. La conclusion est l'aboutissement de cette incohérence conceptuelle : "Étrangers avant tout et voulant le rester par-delà la mort". Aux dernières nouvelles, un mort ne "veut" rien du tout, et c'est se prendre pour une sybille que d'expliquer la volonté post-mortem de jeunes âmes avant leur calvaire. Il flotte dans cette phrase un parfum mystique dont Zemmour est parfois coutumier (on se souvient de son étonnante remarque sur les morts rapprochées de Coluche, Le Luron et Véronique Mourousi dans le Suicide français - étonnante, mais révélatrice).

Le choix de citer Les Tontons flingueurs, dans ce cadre, est évidemment une bourde monumentale. En dehors de ce contexte, les références à ce film peuvent également être discutées : le cinéma d'Audiard est parfois réjouissant et souvent affligeant, et les Tontons n'échappent pas à ce trait de caractère. Ces films français d'un certain genre et d'une certaine époque flattent le goût nostalgique de quelques générations (celle de Zemmour, celle de Pascal Praud), attirance à laquelle je n'échappe pas non plus, sans pour autant m'illusionner au point de voir là des œuvres impérissables du 7e Art. Leur charme est ailleurs, dans le portrait d'une France qui n'est plus, un pays que l'on aimait brocarder le sourire en coin et qui aujourd'hui nous fait cruellement défaut.

Dans la presse :

Sur les réseaux sociaux, un homme veut que les musulmans se réunissent pour « couper la tête » d'Éric Zemmour et de Marine Le Pen (Le Figaro)

Pour Yannick Jadot, Éric Zemmour est un « petit collabo de salon » (Le Point)

Éric Zemmour ou la revanche de Charles Maurras (La Règle du Jeu)

On est en direct : Jordan Bardella tacle Eric Zemmour sur la question des prénoms (Télé 7 jours)

Eric Zemmour is France’s Margaret Thatcher (The Spectator)

Éric Zemmour, el torbellino ultra que agita las presidenciales francesas (Leonoticias)

Saiba quem é Eric Zemmour, a nova face da extrema direita da França (Brasil247)


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samedi 16 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 16 octobre 2021

16/10/2021

Deux commémorations parallèles et que la folie ambiante, pour notre plus grande affliction, risque de considérer comme vouées à des causes opposées. Une cérémonie s'est tenue en hommage à Samuel Paty, ce professeur décapité il y a un an par un islamiste. Un monument en forme de livre a été dévoilé à Conflans-Sainte-Honorine, une plaque a été inaugurée au ministère de l'Éducation nationale, un square portera son nom près de la Sorbonne. Samuel Paty envisageait de montrer des caricatures de Mahomet à ses élèves. Ces caricatures, qui avaient poussé d'autres islamistes à faire un carnage à Charlie Hebdo, avaient été publiées au départ dans une revue danoise. À cette époque, l'Europe s'interrogeait encore sur la possibilité de se moquer de l'islam comme on le faisait du catholicisme, en réponse à l'assassinat de Theo Van Gogh par un fou d'Allah, déjà. Van Gogh avait réalisé un film critiquant la place laissée aux femmes dans le monde arabo-musulman, en collaboration avec Ayaan Hirsi Ali, qui avait fui le monde musulman et décrit, dans son livre Insoumise, l'incompatibilité essentielle entre les textes fondateurs de l'islam et la société libre occidentale. Il faut se souvenir de cette longue et sanglante filiation pour revenir au tout début de la catastrophe actuelle : l'idée qu’islam et islamisme ne sont pas fondamentalement différents. Zemmour ne dit pas autre chose, et l'on se souvient que Philippe Val, Bernard-Henri Lévy et Alain Finkielkraut avaient alors milité pour que cette femme fuyant l'horreur soit accueillie en France.

L'autre commémoration ravive la mémoire d'un massacre perpétué à Paris contre des manifestants rassemblés par le FLN. Le Monde : "Massacre du 17 octobre 1961 : Emmanuel Macron dénonce « des crimes inexcusables », « commis sous l’autorité de Maurice Papon »". C'est la première fois que l'Élysée prend pareille initiative, et on ne m'enlèvera pas de la tête que cet acte officiel ne doit rien au hasard. L'Algérie, Papon, l'islam, tous les ingrédients sont là pour faire surgir le diable Zemmour de sa boîte et l'inciter à proférer de nouvelles paroles "inacceptables". La manœuvre est limpide et pose une nouvelle fois Macron en homme courageux, humaniste et lucide, face au tenant d'un discours "rance", "rabougri", "étriqué" et, naturellement, "raciste". Le président enfonce encore davantage le coin entre l'électorat "attaché aux valeurs de la République" et celui des "extrémistes", en appuyant sur la position de Zemmour décidément infréquentable. Cela dit, il est délicat d'appréhender sereinement le drame du 17 octobre 1961 étant donné que les historiens les plus cités sur le sujet sont des communistes, et l'on sait l'emprise de cette idéologie sur le récit historique (et cela est tout aussi vrai au sujet de Pétain). Une vision historique qu'il est nécessaire de questionner, tout comme celle de leurs opposants d'extrême droite, bien évidemment ; toutefois, si le cordon sanitaire semble solidement établi à la droite de la droite, je ne vois rien de tel du côté de la gauche marxiste.

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lundi 4 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 4 octobre 2021

04/20/2021

Comme tout débatteur, Zemmour a ses petites manies. Quand il ne lâche pas des "ben voyons" en levant les yeux au ciel, il lui arrive de proférer "c'est toujours la même histoire". Formule révélatrice. Il devrait se méfier des principes historiques. Bien souvent, les constantes qu'il croit discerner dans le cours des événements par-delà les siècles ne sont qu'une construction issue d'une grille de lecture qui lui est propre. L'une de ses erreurs les plus célèbres touche au football. Se fiant aux statistiques, il déclare en 2014 que l'Allemagne allait perdre à coup sûr contre le Brésil. Résultat, 7 buts à un pour l'Allemagne. Déduire des règles applicables aux temps présent à partir de faits du passé, et les penser validées par les précédents, est toujours périlleux, ne serait-ce que parce que l'histoire n'est pas une science. Ce fut l'immense erreur de Marx et c'est aussi celle du "marxien" Zemmour. De même, le mot du Général qu'il aime tant, "ça fait mille ans que je vous le dis" envoyé à la face d'un Américain, sonne pour moi comme un pitoyable argument d'autorité doublé d'une bonne dose de muflerie. Ceaușescu aussi se moquait des Américains du haut des "2000 ans d'existence" de la Roumanie. Ce genre de phrase en dit assez long sur le ressentiment d'un gouvernant suranné confronté à la réussite insolente d'un jeune pays.

Zemmour écrivain a aussi ses petites manies. Dans son dernier livre, c'est un festival de "grand" et de "fameux". "Grand", comme je l'ai dit, lui sert à appuyer une citation qu'il apprécie, car elle sert son propos, en qualifiant ainsi son auteur, quitte à enfoncer des portes ouvertes (au rebours, il n'emploie jamais cet adjectif pour désigner quelqu'un qui lui déplaît, même si c'est aussi un "grand"). Avec "fameux", c'est différent. L'adjectif prend selon le contexte le sens de célèbre, surestimé, remarquable, sempiternel, ridicule, et j'en oublie certainement, à chacun de se faire une idée avec la longue liste ci-dessous.

Sont "grands", dans "La France n'a pas dit son dernier mot", la thèse de l'historien arabe du XIVe siècle Ibn Khaldoun, l'écrivain américain Tom Wolfe, l'historien Fernand Braudel, l'historien Jean-Pierre Azéma, l'anthropologue Claude Lévi-Strauss, l'historien médiéviste Jacques Le Goff, le résistant monarchiste Honoré d’Estiennes d’Orves, le cinéaste Roman Polanski, l'écrivain Régis Debray, le professeur américain Samuel Huntington,  le démographe du XIXe siècle Frédéric Le Play, le républicain Edgar Quinet.

Sont "fameux" le livre de Taine "Les Origines de la France contemporaine", les « Bédouins » décrits par Ibn Khaldoun,  l'« état de droit », ses déjeuners au restaurant Le Dôme, le « beauf », l'affaire de Bruay-en-Artois, le  slogan « Travailler plus pour gagner plus », les start-up, l'« indépendance » de la France, le « partenariat privilégié » avec l’Angleterre, la formule du Général sur « le peuple d’élite, sûr de lui et dominateur », la pratique des « contrôles au faciès », une formule sur la tolérance attribuée à Voltaire, le réchauffement climatique, la réplique d'Intouchables « pas de bras, pas de chocolat ! », la notion « d’emprise », les protagonistes de l’affaire Bygmalion, la thèse de la philosophe Simone Weil sur l’enracinement, la formule « Qu’est-ce qu’un républicain de gauche ? Un homme du centre que les malheurs du temps obligent à siéger à droite » de Joseph Barthélemy dans l’entre-deux-guerres, « nos ancêtres les Gaulois », le Studio Gabriel, la thèse de l’historien américain Robert Paxton accusant la France de Vichy d’avoir aggravé le sort des juifs sous l’Occupation, l'« esprit Canal », le 122, rue du Château-des-Rentiers, sa phrase sur la « déportation » des musulmans, la technologie « Arabelle », les « laissez-passer » consulaires, le texte connu comme « loi Pleven », la formule de  Clemenceau « la Révolution est un bloc », la « France périphérique », la formule (mal citée) de Paul Nizan : « Je ne laisserai dire à personne que vingt ans est le plus bel âge de la vie », la « tenaille identitaire », Hapsatou Sy, les valeurs de la République, le débat d’entre deux tours, le « miracle de la Marne », les « islamo-gauchistes », le dessin de Caran d’Ache sur l’affaire Dreyfus, la prophétie de Victor Hugo : « Le XIXe siècle fut grand, mais le XXe sera heureux. »

Ouf ! Si par miracle un internaute était arrivé sur la présente page, il serait certainement reparti aussitôt avec une moue sceptique. Comment lui en vouloir ? Internet possède tant de ressources qui appellent notre attention avant de s'évaporer dans le fil de l'instant qu'il me semble ici employer le procédé d'un autre âge, d'un autre millénaire, d'une autre planète, pour recenser des trucs inutiles et, pourquoi le nier, un brin inquiétants. Je m'en voudrais toutefois de passer sous silence ce paragraphe où les deux mots magiques de Zemmour, "grand" et "fameux", s'allient pour notre plus grand bonheur :

"Nos élites citent Paul Valéry et son fameux « nous savons désormais que les civilisations sont mortelles », sans comprendre que le grand poète parle d’eux, de nous, de la civilisation et de la nation françaises."

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dimanche 19 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 19 septembre 2021

19/09/2021

Je ne suis pas un bon client pour Zemmour. Son livre relate des rencontres avec des hommes dont la plupart m'indiffèrent tout à fait. Je n'adhère en rien à son éloge, renouvelé hélas, de Georges Marchais, ni à son obsession antiaméricaine, ni à sa détestation du libéralisme, ou du fourre-tout qu'il nomme libéralisme. Je crains d'être bien seul : en France, le libéralisme est détesté par tous les bords politiques, les États-Unis réunissent contre eux les ténors de gauche, du centre et de la droite, et M. Marchais a acquis post-mortem l'image rigolote d'un amuseur trop tôt disparu. En ce qui touche à ces trois points - pourtant au cœur de son système de pensée, et qui discréditent à mes yeux la logique de son engagement - tout le monde sera d'accord avec Zemmour, ce qui est une effroyable nouvelle pour la qualité du débat public en France.

Je retrouve, sans grande surprise, l'impression qui fut la mienne au sortir de Suicide Français : Zemmour clame haut et fort l'existence d'une menace islamiste qu'accompagne un important flux migratoire, chose tue ou niée par la classe politique standard. Quand bien même il aurait tort partout ailleurs, ce courage lui vaut l'attention de tous ceux que la perspective d'affrontements ou d'une soumission à la Houellebecq terrifie. Je considère ce panorama froidement, sans aucun enthousiasme pour une pensée qui par ailleurs m'apparaît singulièrement équivoque ou lacunaire.

160.000 abonnés pour la chaîne Youtube EricZemmourOfficiel, où une nouvelle vidéo, celle d'une "rencontre littéraire" (guillemets de rigueur) à Toulon a été publiée.

dimanche 12 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 12 septembre 2021

12/11/2021

Cette nuit, Laurent Ruquier invitait Éric Zemmour dans son émission. L'attente était forte, pour plusieurs raisons. Ruquier a fait connaître Z au grand public, des années durant, en lui confiant un rôle de chroniqueur dans On n'est pas couché, avant de le regretter amèrement et de se poser en adversaire de ses idées politiques. On se doutait bien que ces deux-là avaient quelques comptes à régler. C'était aussi la première émission consécutive à l'arrêt du CSA. Et puis la présence de Léa Salamé, elle aussi ex-chroniqueuse à ONPC et engagée dans les causes progressistes (ou prétendues telles), apportait du piquant à l'affiche.

Les débats furent décevants. En dépit de son titre, "On est en direct", cette émission donne la curieuse impression, à certains moments, d'avoir été montée, et que certains échanges ont disparu. Impression sans doute fausse : si ç'avait été le cas, Zemmour n'aurait pas manqué de le signaler. Le malaise est ailleurs. Ruquier, avec ses interruptions, saillies et traits d'esprit, empêche tout développement de la pensée de son invité. On sait bien que le discours de celui-ci lui déplaît profondément, c'est entendu, et qu'il souhaite affirmer aux yeux de tous qu'il n'a rien voir avec la pensée de son ex-chroniqueur - et, sans doute, ses interventions sont-elles le fruit d'une réelle culpabilité de l'avoir laissé parler tant d'années dans son émission précédente. Je ne suis pas dupe, je ne suis pas complice, et le fais voir à tout instant, telles semblent être les obsessions de Ruquier, tant est forte sa crainte d'être considéré comme apostat par une certaine gauche. Montrer patte blanche, à tout propos et à tout instant, pour échapper à l'infâme soupçon d'être fiché Z.

Une déplaisante sourdine accompagne les échanges. La gué-guerre contre Cnews, à coup de batailles de chiffres et de piques soudaines : "à Cnews, il n'y a personne qui vous contredit. Ça vous fait du bien, un peu", plaisante Ruquier. Il ajoute plus tard, quand Z affirme qu'il ne se laissera pas presser par l'insistance de Léa Salamé : "Il rend l'antenne à Pascal Praud à 20h10, parfois, ça veut bien dire qu'il s'en fout" (Pascal Praud, que certains considèrent, dans un certain milieu, comme un autre symbole de ce "fascisme" dont Cnews porterait la voix. En prononçant son nom, Ruquier envoie mine de rien un signal éloquent à ses camarades de la bien-pensance).

Léa Salamé, précisément, a le sans-gêne de prendre plus d'une minute pour formuler péniblement une question, pour ensuite interrompre la réponse de Zemmour au bout de 30 secondes. Ce n'est d'ailleurs pas vraiment un questionnement : elle suppose à son interlocuteur des pensées extrémistes, les jette en rafales pour ensuite adjurer l'interviewé d'apporter prestement des réponses, se défendant, quand on lui fait remarquer que ce sont des accusations, qu'elle se contente de venir s'informer. C'est une technique plus proche de l'inquisition que du journalisme, et qu'elle est loin d'être la seule à appliquer.

Sur le fond, je retiens surtout l'éclaircissement de la position de Zemmour : c'est celle du RPR. Pas des Républicains, non, comme tente de rectifier Léa Salamé, celle du RPR d'avant. Et l'on se souvient d'une émission politique présentée par David Pujadas à la fin de laquelle il présentait à Alain Juppé le programme du RPR à l'aube des années 1990 : à la surprise générale, on y lisait des thèmes, comme celui de l'incompatibilité de l'islam avec la République française, qui avaient depuis été abandonnés au clan lepéniste, et dès lors marqués du sceau de l'infamie. Que Z reprenne ce flambeau n'est pas étonnant, et son électorat théorique, s'il est candidat, devrait mordre à la fois celui des Républicains (voire de LREM) et du Rassemblement National. Après tout, ce serait logique, s'il existe une "niche" au sens darwinien, qu'un homme politique s'employât à l'occuper.

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jeudi 2 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 2 septembre 2021

02/09/2021

"Des mesures dures à prendre, qu'on ne prendra pas." Z parle de la lutte contre le trafic de drogue. Le "on" qui ne fera rien, bien sûr, c'est Macron. Pas certain que Z au pouvoir ferait, lui, grand-chose de plus. S'attaquer aux trafiquants, c'est enflammer des cités. Que ferait l'état si une dizaine, une cinquantaine, de quartiers dit "sensibles" (ou "populaires" dans la novlangue) entraient simultanément en sédition ? Envoyer l'armée se frotter à des types munis de kalachnikov ? Enfoncer à l'aide de blindés herses, barrages de voitures enflammées et bataillons de lanceurs de mortiers ? Déclencher le plan "Ronce" dont Z avait jadis, à grand bruit, dévoilé l'existence, ou la possible existence ? Envoyer des hélicos "balayer tout ça", comme dans La Chute du faucon noir où des multitudes haineuses et fanatisées périssent sous le feu du ciel ? Peut-être est-ce là notre destin - un destin à la libanaise, comme on dit parfois. Si cela devait arriver, et si l'armée l'emporte, ce qui est loin d'être sûr, étant donné les soutiens moraux dont les "populations défavorisées" jouissent dans une marge importante de la presse et des "influenceurs" - que faire des trafiquants ? Les expulser, dit Zemmour, quand ils ont une nationalité étrangère. Admettons. Et les Français ? Nos prisons sont pleines à craquer.

Après l'affaire Merah, il y a une dizaine d'années, j'ai été surpris d'entendre la même idée dans la bouche de personnes fort différentes, et qui ne se connaissaient pas. Cette idée était de rétablir la peine de mort. Je n'aurais jamais cru qu'on reviendrait un jour sur cet accomplissement. Et les gens qui tenaient ce discours n'étaient pas des fachos, plutôt de gauche même, des gens "de tous les jours", des collègues, des amis. Ça m'était resté quelque part en tête quand un jour j'entendis Z expliquer que le renoncement à la peine de mort, dans un monde où la réclusion à perpétuité n'était plus en usage, n'avait de sens que si on persistait dans le pari qu'un homme peut s'amender. Que le pire criminel peut réfléchir, changer profondément, regretter son geste et devenir, pourquoi pas, quelqu'un de bien. Or, continuait Z (je cite de mémoire), comment voulez-vous qu'un islamiste renonce à son idéologie ? Tout ce qui a touché à la "déradicalisation" s'est évaporé dans un nuage de gaz hilarant. Ça ne marche pas, ça ne peut pas marcher : un homme comme Merah, ou comme les dizaines d'islamistes qui ont ensanglanté notre sol, doit être éliminé de la vie publique, soit en passant le restant de sa vie en prison, soit en subissant le châtiment suprême.

Est-ci ici un aboutissement logique de la pensée de Z ? Je n'en sais rien. Si la "campagne" se poursuit, nous aurons des éclaircissements. L'autre idée qui est apparue dans les mêmes années, me semble-t-il, et proférée par des personnes tout aussi éloignées des pensées extrémistes, était de rouvrir Cayenne, ou autre bagne du même genre, pourvu que l'on éloigne, si possible jusqu'à leur disparition, des gens dont on sait pertinemment qu'ils ne changeront pas et resteront une menace pour nous quoi qu'il advienne ; et tant pis pour eux, tant mieux pour nous, si en s'évadant à la nage ils aiguisent l'appétit d'un requin. Ce n'est pas mon idée - pas davantage que celle du rétablissement de la peine capitale - mais, je le répète, celle que j'ai vu fleurir spontanément çà et là il y a quelque temps, et qui est peut-être retombée depuis.

Ce dont je suis sûr, en revanche, est que le débat de ce soir sur la criminalisation des consommateurs de drogues n'a pas exploré une hypothèse qui me semblait s'imposer naturellement dans le cours de la discussion : si l'on responsabilise ces consommateurs, cela veut dire exactement, non qu'on les mette à l'amende, en prison ou dans un cachot de l'Île du Diable, mais qu'on les rende responsables de leurs actes. C'est le principe même d'être adulte, chose oubliée dans une société où l'État met son nez partout en ne résolvant rien. Ici, "responsables de leurs actes", cela signifie qu'ils doivent être comptables, non seulement des méfaits qu'ils pourraient commettre - je parle de l'atteinte au bien d'autrui - mais également du coût de leur prise en charge si jamais ils avaient besoin d'assistance médicale. L'idée peut être choquante, mais elle n'est pas en soi hors du débat - ou en tout cas elle ne devrait pas l'être, si n'était un plateau composé d'étatistes plus ou moins forcenés, dont Z est l'emblématique tête de file.

lundi 30 août 2021

Zemmour au fil des jours - 30 août 2021

30/08/2021

Face à l'Info : c'est la grande rentrée. Zemmour ne dit rien sur sa candidature. Réflexions essentielles (au sens propre) sur le tombeau des empires, l'Afghanistan, au mépris de l'histoire (les USA ne sont pas un empire, en tout cas pas selon la façon anglaise, russe ou soviétique ; leur intervention avait pour but de mettre fin à Ben Laden et à empêcher ceux qui l'ont accueilli de recommencer. Le premier terme est atteint, le second a priori non, restons prudents malgré l'ampleur de la débâcle. Rien à voir avec l'URSS qui voulait s'ouvrir une route vers le golfe Persique et la route du pétrole). Z est brillant, même quand il a tort - et il a souvent tort - mais ses réparties font mouche face à des adversaires qui n'ont pas son à-propos. En revanche son attitude, avec ses mimiques, grimaces et œillades complices, ne cadre pas du tout, du tout, avec celle d'un homme à la tête du pays. On peine à s'imaginer Z diriger la France avec de telles postures. Et ce n'est pas la même chose d'être sur un territoire dont on maîtrise tous les codes - un plateau de télévision - et où il déploie tout son savoir-faire que d'entrer dans le combat politique avec des adversaires autrement plus vifs et puissants.

Il est pertinent sur le danger islamique. Pour le reste, ses raisonnements sont entachés d'idéologie (l'âme des peuples, le "destin" français, etc.) et ne peuvent mener qu'à la catastrophe. Le choix est donc entre deux dangers : celui de l'islam ou celui de l'idéologie zemmourienne. Aujourd'hui, le premier paraît plus important, car déjà là, en train de travailler la société en profondeur. Hélas, Z est le seul à en parler ouvertement, et avec à-propos.

dimanche 26 février 2017

Notes sur "Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien", d'Adrien Candiard

Je dois à un ami très cher, érudit et grand lecteur, la découverte du livre signé Adrien Candiard, édité dans la collection "Champs actuel" de Flammarion en 2016. Une découverte fort bienvenue. En une centaine de pages, sans temps morts ni verbiage, A. Candiard illumine et renouvelle par moments notre perception de l'islam. L'on apprécie une rédaction dénuée de passion, entièrement vouée à l'érudition sans pour autant verser dans la sécheresse, ce qui fait de ce livre un objet de valeur.

Adrien Candiard : Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien

Adrien Candiard : Comprendre l'islam - ou plutôt : pourquoi on n'y comprend rien
Flammarion 2016


Mais son contenu n'est pas pour autant dépourvu de surprenants silences ou d'inférences discutables. Je propose ci-dessous une synthèse suivie de quelques commentaires.

En résumé


L'ouvrage comporte une introduction, un développement en trois parties et une conclusion.

L'introduction plaide pour une compréhension objective et documentée de l'islam, sous peine, nous dit l'auteur, « de ressembler à Daech ».

La première partie « Deux impasses pour un paradoxe » nous invite à éviter deux erreurs courantes : « La première, c'est de croire que l'islam existe ; la seconde, de croire qu'il n'existe pas. » Cette formulation percutante sert une analyse qui sous-tend l'ensemble du livre : l'islam existe bel et bien sans pour autant représenter un bloc que l'on pourrait essentialiser. Il vaudrait mieux parler « des islams », au pluriel, tant la diversité des pratiques et des cultes est différente dans le temps et dans l'espace. La violence des islamistes est une réalité, mais ne définit à elle seule ce courant de pensée si divers. Sans cette conscience d'une véritable pluralité, tout discours concernant « l'islam » ne saurait qu'être expéditif et dénué de valeur intellectuelle. De plus, l'on ignorerait les deux grandes déchirures de cette religion, écrit A. Candiard, celle entre les sunnites et les chiites d'une part, et d'autre part les combats au sein du sunnisme pour définir l'orthodoxie.

La deuxième section, intitulée « Comprendre les crises de l'islam contemporain », explicite et développe les origines de ces deux déchirures. Le grand schisme est survenu autour de la succession de Mahomet, mais c'est au XXe siècle, lit-on p. 51, que le chiisme « devient un concurrent du sunnisme jusque sur son terrain privilégié, le monde arabe ». L'écho de la révolution iranienne de 1979 est considérable. La nouvelle République islamique s'oppose aux états sunnites s'efforçant de se constituer en modèles, comme la Turquie ou l'Arabie saoudite.

Mais le sunnisme lui-même est miné par une profonde querelle interne. L'islam impérial, qui organisait plusieurs puissances sunnites depuis le Moyen-Âge, s’accommode difficilement de la modernité. Ce modèle était parvenu à faire vivre « bon an mal an » des populations diverses en son sein, notamment en parvenant à une certaine sagesse rendue possible par diverses interprétations, toutes légitimes, du Coran et de la tradition du Prophète.

L'effacement de ce pouvoir face à la montée en puissance de l'Occident encourage la naissance du salafisme, un courant de pensée qui prône un retour aux sources de la tradition, en réaction au dévoiement de l'islam impérial. « La majorité des salafistes sont quiétistes », écrit A. Candiard page 69, mais attention : « toutes les dérives terroristes naissent de l'idéologie salafiste » (p. 81)

Il est donc de la première importance, insiste l'auteur, de bien distinguer ce que l'on appelle islamisme ou islam politique, héritier de l'islam impérial, organisé autour d'un état, et le salafisme, inspiré par une époque mythique et dès lors disposé à « dynamiter les structures politiques modernes » (p. 80.) Les Frères musulmans, le régime iranien ou le FIS algérien relèvent de la première catégorie. Sous la bannière du salafisme, en revanche, l'on trouve Al-Qaida, l'Etat Islamique, le GIA et plus généralement les terroristes djihadistes.

La 3e partie, « De quelques questions légitimes (et quelques idées reçues) », discute trois interrogations fréquentes. « L'islam est-il incompatible avec la démocratie ? », « Peut-on interpréter le Coran ? » et « L'islam est-il irrationnel ? » . Je reviendrai plus bas sur certaines questions et les réponses apportées.

La courte conclusion rappelle la nécessité de penser l'islam comme un monde pluriel, et s'interroge sur l'expression « islam modéré ». Le problème c'est que cette injonction sous-entend que « les salafistes sont davantage musulmans que les autres » (p. 119) : est vraiment le message à faire passer quand on exhorte les musulmans à se "modérer" ?

Quelques notes


Le livre, on l'a dit, est très bien écrit et je ne peux qu'en recommander la lecture. Je voudrais néanmoins souligner quelques passages qui posent question. Je ne m'attacherai pas ici à des points de doctrine, que ma faible connaissance du domaine ne me permet nullement de discuter, mais à certaines inférences qui tendent le discours.

La violence

Le Coran est "un texte à peu près incompréhensible" (p. 25) et seule une interprétation permet d'en saisir le sens. Et encore, ces interprétations sont multiples, rappelle A. Candiard. A partir de ce constat, on aurait aimé savoir quelles sont les différentes interprétations possibles du verset du sabre, ou d'autres sourates de la même veine, qui appellent à la lutte. On entend bien que le livre sacré est lui-même d'une lecture ardue, il n'en reste pas moins que certains de ses passages sont d'une grande clarté. L'auteur en recopie deux, page 14, un "guerrier" et un "pacifiste". Aussi saisit-on avec peine la précaution de langage annonçant, p. 28, que le texte coranique n'est pas violent tout en offrant "une certaine disponibilité à un usage violent". Est-ce "offrir une certaine disponibilité" que d'appeler sans nuance au combat et à l'humiliation ?

La réponse se trouve sans doute dans l’interprétation contextuelle abordée par A. Candiard, sans être outre mesure explicitée. On aurait pourtant aimé savoir si la notion des "deux Corans" (celui de la Mecque et celui de Médine) professée par certains commentateurs repose sur des bases solides.

La démocratie

On lit avec grand intérêt les pages expliquant que les islams, si divers, donnent toutes les possibilités à une pratique apaisée et respectueuse de s'épanouir. Sans entrer dans le détail de l'argumentaire – ce que je serais bien incapable de faire – j'observe que cet apaisement relève plus du désir inaccompli qu'autre chose. Même dans les pays musulmans les plus « apaisés » ou, disons, les plus « démocratiques », on est désolé de lire dans la presse les condamnations pour blasphèmes ou pour pratiques homosexuelles. Comment ne pas s'étonner qu'un islam si multiforme, et ouvert à maintes possibilités d'épanouissement, ne se soit jamais développé, à travers tant de contrées et au fil de l'époque contemporaine, dans le sens d'une société respectueuse des choix intimes des individus ?

Quand les faits démentent une analyse, il n'y a guère que trois solutions : admettre que l'analyse est fausse, apporter des faits nouveaux qui la soutiennent, ou s'inscrire dans un futur hypothétique. C'est cette troisième voie que choisit l'auteur, tout en restant prudent sur le sujet. L'histoire moderne, écrit-il, « nourrit le soupçon » (p. 85-86) sur l'adéquation entre islam et démocratie. Mais, ajoute-t-il aussitôt, cette même question ne s'appliquait-elle pas à Allemagne en 1945 ?

La valeur opératoire d'une telle comparaison est discutable. L'Allemagne avait été avant le nazisme une démocratie, et si une question devait être posée après la guerre, c'était celle de savoir si elle pouvait le redevenir, et non le devenir, ce qui n'a pas du tout le même sens ni la même portée historique. La question se pose bien davantage au sujet de la Russie, et l'actualité nous porte à penser qu'un horizon démocratique dans ce pays n'est encore, au mieux, qu'une lointaine perspective.

Au crédit de sa thèse, A. Candiard souligne (p. 96) que les législations civiles ont été adoptées dans un grand nombre de pays musulmans au XXe siècle, par un vote parlementaire ou d'autres procédures non religieuses, ce qui semble contredire une incompatibilité de l'islam avec la démocratie.

Ce manque de recul surprend. Les plus sévères dictatures n'ont-elles pas eu de parlements, et même des parlements élus ? Contrairement à ce que peut faire croire sa stricte l'étymologie ("souveraineté du peuple"), l'existence d'élections ne suffit en aucune manière à définir à elle seule une démocratie. Il faut déjà que ces élections ne soient pas biaisées : on a connu, hélas, trop d'exemples de scrutins à bulletin unique ou avec des listes fantoches. Et elles doivent être encadrées par un système de valeurs qui place les droits naturels (comme la liberté de conscience) au-dessus des choix du peuple.

Existe-t-il des faits nouveaux qui iraient dans le sens d'Adrien Candiard ? Je suis prêt à admettre que certains pays musulmans sont respectueux de l'individu athée, de l'homosexuel ou du lecteur de Salman Rushdie, mais, jusqu'à plus ample informé, je n'en connais pas.

L'hypothèse est-elle alors fausse ? Je n'ai pas la réponse. J'observe simplement qu'un regard empirique n'incite pas à l’optimisme.

Une 3e déchirure ?

Les pages consacrées à la double crise interne (p. 44 et chapitre 2 : opposition entre sunnites et chiites, lutte pour l’orthodoxie au sein du sunnisme) sont passionnantes. On peut se demander s'il n'existe pas une troisième déchirure. Le hiatus entre le confort contemporain, procuré par les bienfaits médicaux et technologiques, et l'ambition d'une civilisation millénaire, n'est peut-être pas sans conséquence sur l'homme de la rue, au Caire ou ailleurs, bien obligé de se rendre à l'évidence d'une certaine stérilité de sa société dans ce domaine.

Cette "déchirure" est-elle une fatalité ? On veut penser le contraire. Certains états musulmans comme la Turquie, cette "Chine de l'Europe", ont développé un appareil industriel de valeur soutenu par une économie capitaliste (mais guère "libérale" comme il est mentionné à tort p. 78.) A quand un passage au stade de l'innovation technologique ? La réponse est sans doute étroitement liée à celle de la démocratisation, dont nous avons parlé plus haut.

Il reste intéressant de noter que des mouvements salafistes, en dépit de leur promotion des lointains temps du Prophète, s’accommodent fort bien de la technologie. L'Etat islamique s'appuie sur une importante expertise de l'internet et des smartphones. Et l'on mesure la distance qui les sépare de communautés anabaptistes, comme celle des Amishes, qui se réclament elles aussi d'une pureté originelle, en l'occurrence celle des premiers chrétiens. Il est curieux que ce même objectif produise deux résultats opposés. Les Amishes refusent la technologie et cultivent la non-violence. C'est peut-être aussi le cas des salafistes quiétistes, mais certainement pas celui des mouvements guerriers, experts à la fois en technologie et en atrocités.

Le futur

Une chose surprend dans Comprendre l'islam. Son rédacteur place toujours la croyance en Dieu comme préalable à toute réflexion sur l'avenir des musulmans. Page 98 : « demander aux musulmans de renoncer à la révélation  » ? Cela est « impossible » : « c'est exiger d'eux de renoncer à l'islam. »

Je vois ici un point de désaccord. Un pays chrétien n'est pas un pays composé d'une majorité de fidèles chrétiens. C'est un pays où la plupart des gens admettent leur attachement à la civilisation chrétienne et se reconnaissent dans les valeurs de cet héritage. La différence entre les deux, c'est la notion de croyance. Chacun d'entre nous connaît des chrétiens pas du tout croyants. Le mot "chrétien" définit dès lors deux populations. Celle des fidèles est naturellement incluse dans celle, plus large, des porteurs d'un héritage. Ces derniers ne s'attachent pas particulièrement au fait que Jésus ait, ou non, marché sur l'eau. Les récits bibliques sont un corpus de textes qu'il ne tiennent pas forcément pour sacrés, disons qu'ils y pensent comme l'on peut évoquer les légendes de la Grèce antique, avec intérêt ou non, mais enfin, sans se préoccuper outre mesure de leur contenu.

Or, j'ai connu beaucoup de musulmans qui se moquaient comme une guigne de savoir s'il y avait eu révélation ou non, restaient étranger à toute pratique rituelle et ne se préoccupaient guère de connaître l'origine des mets qu'on leur servait. Ce ne sont pas des vrais musulmans ? Eh bien, tout dépend de quoi l'on parle. Il n'en sont pas au sens de fidèles. Mais ils en sont bien comme porteurs d'un héritage. Car, si l'on prend soin à distinguer les multiples facettes d'un islam si divers, il devrait en être de même avec les individus de cette civilisation. Beaucoup sont croyants, sans doute, mais certains ne le sont pas, ou bien dirons-nous, ils croient « avec distance », comme le font bien des Occidentaux envers la chrétienté. 

Cette distinction est essentielle : sans elle, on méconnaîtrait cette réalité ténue mais cependant tangible de musulmans nullement gouvernés par leur foi tout en étant attachés à leur tradition. Et c'est bien dans cette fragile différence que j'entrevois, pour ma part, le mince espoir d'un islam moderne et apaisé. 



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Ces quelques commentaires ne sauraient amoindrir en quoi que ce soit l'immense intérêt procuré par Comprendre l'islam. J'ai voulu, à travers ces "notes de lecture", approfondir certaines idées abordées par ce livre, et chacun peut comprendre qu'un thème si vaste ne peut être épuisé par un essai conçu pour être concis et voué à l'efficacité du discours. Peut-être un prochain ouvrage d'Adrien Candiard nous permettra d'explorer certains des thèmes effleurés ici : nous l'attendons avec impatience.

Alain Chotil-Fani, février 2017

samedi 9 janvier 2016

L’hypothèse interdite





La France moderne, et plus généralement la civilisation occidentale, se sont formées autour d’une idée maîtresse : la passion de la vérité. De là les principes de société qui récusent tout usage opérationnel d’une pensée magique. Cet attachement à la chose scientifique porte très concrètement ses fruits dans les progrès de la médecine et les grands projets industriels et techniques des XIX et XXe siècles. Le fait superstitieux, ou religieux, est dès lors confiné au domaine privé. Chacun, en effet, est libre de croire ou de penser ce que bon lui chante, tant que cette croyance ou cette pensée ne se traduisent pas par des actes (y compris politiques) en contradiction avec les droits naturels.

Nul ne songerait, en pays libre, à lui contester ce droit. Mais ce droit est au même titre celui de ceux qui critiquent cette pensée magique. La tolérance ne consiste pas à respecter bouche bée toutes les manifestations de l’irrationnel : elle se borne à refuser tout usage de la violence envers nos contradicteurs, et à mettre en oeuvre les principes du débat. Elle n’est pas, comme on l’entend trop souvent, un mutisme confit devant des gris-gris ou des manifestations bigarrées : elle doit être le droit de les juger et même, à l’instar d’un Swift, de les mettre en boîte.

De toutes les études qui déferlent sur la place des musulmans dans l’Europe de demain, je m’étonne de ne voir jamais formulée une hypothèse toute simple, pourtant évidente. La foi est une opinion ; un homme use donc de sa liberté en modifiant cette opinion. En dépit de cela, l'idée qu'un individu puisse délaisser sa foi en l'islam n'est guère envisagée. De même, un enfant né dans une famille musulmane n’est pas voué à devenir lui-même musulman : soit par volonté de sa famille de ne pas «l’embrigader» dans cette filiation civilisationnelle, et de lui laisser en quelque sorte le choix de s’orienter, une fois venu l’âge de raison, vers le mode de pensée qui lui paraît le plus approprié ; soit par son propre désir d’individu ressortissant d’un pays libre de s’émanciper d’une culture qui lui aurait été imposée.

L’hypothèse qu'un musulman demeure un individu par essence adepte de l'islam, ou que des musulmans n’engendrent que des musulmans, n’est pas seulement fausse : elle est dangereuse. Elle fait accroire l’idée que l’islam est une race, concept dangereux et controversé mais qui pourtant est implicite dans les projections d’avenir. L'on ne se défait ni de sa couleur de peau ni de ses origines, mais tout un chacun choisit son école de pensée. Il est étonnant que le sous-entendu de ces fameuses prospectives ne fasse pas scandale, sauf si l'on admet avoir renoncé à l’une des plus belles conquêtes de la modernité : celle qui rend l’individu souverainement libre.

Je ne suis pas dupe de l'aspect polémique de cette hypothèse. Par un renversement de sens aussi curieux que fâcheux, la simple évocation d'un affranchissement individuel est devenue le symptôme d’une insupportable barbarie. Rendre les hommes éclairés au sens voltairien, donc plus libres, est vu comme un inadmissible viol de l'esprit. Cette insoutenable légèreté de la pensée critique face aux injonctions du moment - ne pas amalgamer, ni juger ni stigmatiser, tout respecter, y compris les pires inepties, s'indigner, oui, mais uniquement contre nos propres valeurs - signe un renoncement devant le fait accompli et souligne notre abandon collectif de toute volonté à changer les choses.

Je ne m'illusionne pas au point de penser que cette émancipation puisse se faire aisément. Je ne suis pas assez naïf pour ignorer le poids des traditions et la force du nombre, et, parfois, les effets d'une vigilance tatillonne et quasi institutionnelle de préceptes religieux. Je ne méconnais pas les châtiments promis aux convertis et aux apostats. Mais je sais aussi que l'un des rôles de l'Etat est - ou devrait être - la protection scrupuleuse des individus : notre Déclaration de 1789 édicte la "résistance à l'oppression" comme l'un des droits imprescriptibles. Et j'observe çà et là, parmi mes connaissances, des témoins croisés sur la toile ou même des hommes célèbres (prenez Djibril Cissé), un mouvement timide mais bien réel de personnes ayant choisi de renoncer à l'islam.

Je pose ici un constat dénué de passion. Une presse souvent extrémiste a beau annoncer une "déferlante musulmane", le monde de demain n'est peut-être pas celui qui nous est promis. Je ne parle évidemment pas des islamistes venus porter le fer de la guerre en Europe, mais des autres gens venus en quête de refuge en fuyant la barbarie. Ces hommes peuvent changer : cette évidence me semble trop souvent oubliée. Encore faut-il que la société qui les accueille se donne les moyens de favoriser ce changement et de veiller à ce que les sourcilleux gardiens de la tradition ismaélienne se contentent d'exposer leurs arguments et renoncent de fait à toute action violente : c'est en renouant avec des valeurs aujourd'hui oubliées que les autorités favoriseront l'expression de cette liberté à reconquérir.



jeudi 17 septembre 2015

Migrants et Camp des Saints

La crise actuelle des "migrants" - ces personnes qui par milliers affluent du Proche-Orient pour rejoindre l'Union Européenne - donne une certaine publicité à un roman de Jean Raspail, paru en 1973, intitulé le Camp des Saints. Pourquoi pas : dans ce livre, un million d'Indiens s’embarquent sur une flottille de fortune, contournent l’Afrique et débarquent finalement en Provence. L’Occident s’avère incapable de prendre la mesure de l’événement. L’état français hésite, appelle au calme et finit par lancer une armée en pleine déconfiture. Le presse muselée et les sympathisants locaux achèvent le boulot. Les Indiens finissent par s’installer au sud de la France sans rencontrer de résistance. Seuls quelques braves tentent de s’opposer à l'invasion avant de périr.

L’histoire se veut une métaphore de la chute de la chrétienté, en écho à l’Apocalypse de St Jean (XXe chant) :
« Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la Terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la Terre, elles investiront le camp des Saints et la Ville bien-aimée. »
La tentation est grande, et l'auteur lui-même ne s'en prive pas dans sa préface, de considérer son oeuvre comme prophétique. S'agit-il d'une prémonition du Choc des Civilisations de Samuel P. Huntington ? On ne voit pas en quoi : l'essai du professeur américain n'évoque pas le remplacement d'une civilisation par une autre, et constate les difficultés d'une civilisation à accepter en son sein l'expression d'une autre civilisation portée par ses propres immigrés. Or s'il y a "choc", chez Raspail, c'est pour décrire l'afflux massif de hordes d'étrangers qui n'ont rien à voir avec les différentes vagues d'immigrations qu'a connue la France.

Métaphore, dira-t-on : je veux bien, mais il faut choisir. Si c'est une métaphore, la prémonition tombe. L'esprit de cette invasion métaphorique ne rejoint pas la thèse de l'Américain, sauf sur le plus petit dénominateur commun, qui est qu'un changement de civilisation - pour un pays ou un homme - est impossible. L'idée, discutable, existe - mais elle ne date ni de Huntington, ni de Raspail, ni même de leur bisaïeul, puisqu'elle fonde le Romantisme allemand.

Que dire alors de la comparaison avec la situation actuelle des "migrants" ?

Les migrants


A l'heure où j'écris ces lignes - ce matin du 17 septembre 2015 - on s'oriente vers la mise en place de centres d'accueil répartis sur le pourtour européen. Si le projet fonctionne, on pourra dire que la panique qui a saisi l'Union Européenne avec ces flux incontrôlés de personnes (en disant “incontrôlés”, je parle au sens propre : qui ont pénétré l'Union sans être contrôlés, soit par accord, soit par défaillance des autorités compétentes) n'aura été qu'une parenthèse. Regrettable pour plusieurs raisons, certainement, mais qui ne suffit pas à trouver son présage dans le Camp des Saints.

Si en revanche l'Europe échoue à contrôler les "migrants", il nous reste la tentative de comprendre de qui se composent ces foules. D'après les informations disponibles dans la presse, l'on trouve trois catégories de "migrants" bien distinctes :

  • les véritables réfugiés de guerre, sans foyer, sans métier, obligés de fuir pour survivre. A une époque l'on disait "la valise ou le cercueil". Ces hommes sont l'équivalent, à une autre époque, des boat people fuyant, dans la deuxième partie de la décennie 1970, le paradis communiste vietnamien.

  • des personnes qui ne sont pas réellement en danger mais qui veulent rejoindre l'Europe pour avoir une vie meilleure - pour eux ou leurs enfants. Ils ne viennent pas, ou du moins pas directement, de pays en guerre. On peut les appeler "migrants économiques", à défaut d'autre dénomination. Quelques sources nous parlent d’hommes originaires de pays d’Afrique (où il n’y a pas de guerre) ou de Turquie, où leur sécurité est assurée.

  • et, peut-être aussi, des terroristes, profitant de la foule pour infiltrer les pays européens : information sujette à caution et qu’il faut considérer comme telle, mais qu’il serait téméraire d’écarter définitivement, même si elle nous déplaît.

Il est difficile de qualifier dans un sens ou l’autre dans les proportions de ces catégories dans la masse des migrants. La raison est simple : beaucoup d'entre eux se sont introduits en fraude dans l'Union Européenne, en violant la frontière extérieure de Schengen, entre la Hongrie et la Serbie. De ce fait ils n'ont pas été enregistrés par les autorités hongroises. On a beaucoup parlé en France du manque de cœur, de l’égoïsme, du renoncement à "l’esprit européen" dont se seraient rendus coupables les Hongrois.

St Etienne, saint patron de la Hongrie (DR)

"Migrants : la Hongrie, honte de l'Europe ?" s’interroge Le Point (13 sept. 2015‎). "Réfugiés en Hongrie: Vienne dresse un parallèle avec la période nazie", annonce RFI.

Période nazie ? Il faut prendre garde aux mots. Un historien qui dans un siècle tomberait sur ces titres en déduirait que les garde-frontières hongrois ont embarqué de force les migrants dans des trains plombés, avant de les transporter dans des camps afin de les exterminer systématiquement. A l’heure où j’écris, cela n’est que délire, et si des heurts ont eu lieu, aucun mort n’est à déplorer en Hongrie.

Ainsi, est “nazi” l'Etat qui affirme son droit - et même son devoir - de contrôler les personnes qui veulent pénétrer son territoire ; “honteux” doivent être ceux qui refusent à l'autre le laissez-passer incontrôlé à travers leur territoire. Or, ce comportement nazi et honteux est précisément celui qu'exige l'Europe de Schengen envers les Hongrois :
"Les frontières extérieures ne peuvent en principe être franchies qu'aux points de passage frontaliers et durant les heures d'ouverture fixées."
Ce n'est pas un texte fasciste, mais un article du Traité de Schengen (http://www.senat.fr/europe/schengen.htm). Eh ! Il faudrait savoir : demande-t-on à un Etat d'être vraiment européen, c'est-à-dire d'appliquer les règlements que nous avons nous-mêmes exigé qu'il mette en oeuvre, ou bien qu'il renonce à ces accords chèrement vendus, en violant ainsi les engagements contractés envers l'Union ?

Que faire des fraudeurs ? le texte est sans aucune ambiguïté : ils doivent être sanctionnés.
"Les parties contractantes s'engagent à instaurer des sanctions à l'encontre du franchissement non autorisé des frontières extérieures en dehors des points de passage frontaliers et des heures d'ouverture fixées."
Voilà donc ce petit état égoïste qui ne fait que réaliser - ou qui s'y efforce - très précisément ce que nous lui avons demandé. Mais n'y a-t-il pas une clause humanitaire dans ce sommet de froide bureaucratie ? Certes. La voici :
“L'entrée sur les territoires des parties contractantes doit être refusée à l'étranger qui ne remplit pas l'ensemble de ces conditions, sauf si une partie contractante estime nécessaire de déroger à ce principe pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales.”
L'entrée de réfugiés "sans papiers" - ou plutôt sans les papiers requis en temps normal - est donc bien prévue. Mais avec une restriction, nous dit ce même texte européen :
“En ce cas, l'admission sera limitée au territoire de la partie contractante concernée qui devra en avertir les autres parties contractantes”
Les migrants admis en Hongrie au titre d'un motif humanitaire ne peuvent donc plus quitter la Hongrie - temporairement sans doute, il est vrai, mais sans la possibilité de se rendre illico en Allemagne via l’Autriche. Il s'agit, je le répète, ici d'un texte majeur avalisé par tous les membres de l'Espace de Schengen, et non d'un manifeste xénophobe concocté par on ne sait quel esprit pervers subjugué par la haine et voué à la renaissance du national-socialisme.

Mais les "migrants", dira-t-on à raison, affluaient en si grand nombre et en telle hâte que tout contrôle standard était désormais impossible. Ne fallait-il donc pas prévoir un cas encore plus exceptionnel que la situation déjà exceptionnelle d'accueil humanitaire prévue dans les accords ?

La question appelle plusieurs observations. Pour déterminer si la personne voulant entrer dans Schengen est un réfugié, si elle a droit à un statut protégé pour des raisons humanitaires ou, au contraire, si, nullement menacée de l'endroit d'où elle est partie, elle profite de l'aubaine de la masse pour rejoindre l'Union, il faut bien à un moment donné l'entendre, consulter ses papiers, décider à qui l'on a affaire. Je suis navré d'enfoncer des portes ouvertes, mais c'est la définition même d'une frontière. Sans le respect de cette règle élémentaire, tous ses efforts tendent à rejoindre une Europe dont il s'empresse de violer l'une de ses lois les plus essentielles.

Ensuite, si les candidats à l'entrée dans l'Union forcent par leur nombre la frontière hongroise, est-ce par la faute de la Hongrie ? La loi de la foule n'est jamais une justification, du moins on veut le croire. On a peu souligné le rôle étrange de la Macédoine et de la Serbie qui ont acheminé, gratuitement, ces milliers de personnes à travers leur territoire, contribuant ainsi à engorger les points de passage avec leur voisin du nord. On a aussi peu noté que la Serbie et la Macédoine sont des pays en paix, où les candidats à l'émigration européenne peuvent rester sans plus craindre les dangers qui les ont chassés de chez eux - du moins quand il s'agit de réfugiés. Où était dès lors l'urgence ? Je ne nie évidemment pas l'impatience légitime de personnes presque "au bout du voyage" : je dis qu'un séjour temporaire en Serbie ne faisait pas peser sur elles les mêmes menaces qu'elles ont subies en Syrie ou en Irak. La Serbie n’est pas dévastée par les fous de Daesh. La Macédoine ne vit pas sous le régime de terreur d’un Assad.

Les conditions d'une admission raisonnée et conforme aux accords de Schengen de ces milliers de personnes n'étaient dès lors pas réunies. La Serbie a jugé bon de les déverser par trains entiers au pied d'une frontière qui a cédé sous leur nombre, mettant la Hongrie en situation de prendre la mesure de ce déferlement incontrôlé. Faut-il ajouter que ce spectacle ahurissant n’a pu que provoquer ou accentuer la défiance d'un grand nombre de citoyens européens envers la foule des candidats à l’entrée ?

Je ne suis pas dupe du message caché derrière ces hauts cris. Viktor Orban, premier ministre pas très recommandable, est la cible de ces récriminations. Il est possible qu’il se mette à violer les règles de la démocratie, par exemple en ordonnant à ses troupes de tirer à balles réelles sur les réfugiés. Mais aujourd’hui, cela n’est pas arrivé : il faut donc considérer, non des conjectures ou des fantasmes, mais la réalité observable pour la confronter aux textes de l’Union Européenne.

Or, ce simple travail factuel et dépassionné, je dois avouer l’avoir cherché en vain dans la presse. Et quand la loi hongroise - en l’occurrence l’application des Accords de Schengen - est invoquée pour expliquer l’attitude des Hongrois, ce texte n’est même pas expliqué - et pour cause, il donnerait raison à cet état “honteux” et “nazi”. Ce travail pédagogique faisant défaut, l’accusation change d'angle d'attaque et assure que la Hongrie viole un autre texte, celui de la convention de Genève. C’est ce que déclare au journal Le Monde Marta Pardavi, présentée comme avocate, coprésidente du comité Helsinki hongrois (comité de surveillance du respect des droits de l’homme). Voici ce passage (article disponible à http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/09/15/hongrie-une-atmosphere-de-guerre-contre-les-migrants_4758106_3214.html)
Le Monde : Cette loi [hongroise] est-elle conforme à la convention de Genève sur les réfugiés ?
[M. Pardavi] : Non. L’article 31 de la convention de Genève dit que l’on ne peut pas sanctionner les demandeurs d’asile en cas de passage illégal.
Le Monde donne le lien vers la convention de Genève (http://www.unhcr.fr/4b14f4a62.pdf) sans pour autant prendre la peine de citer cet article 31. C’est bien dommage, car on se rendrait alors compte que cet article contredit l’assertion de M. Pardavi. Qu’on en juge :
RÉFUGIÉS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE DANS LE PAYS D’ACCUEIL
Les Etats Contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l’article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. (souligné par moi)
Ce texte est pourtant clair. Il parle de réfugiés qui, pour sauver leur peau, doivent quitter le territoire où ils sont menacés pour rejoindre directement un autre territoire, même sans autorisation. Il s’agirait, par exemple, d’Espagnols fuyant une guerre civile chez eux pour rejoindre la France par des sentiers clandestins des Pyrénées. Dans ce cas, le pays accueillant, signataire de la convention de Genève, ne saurait les sanctionner pour cela.

Or les migrants ne se présentent pas en Hongrie en ayant fui la Serbie, pays où ils sont incomparablement plus en sécurité que sous le régime de Bachar el Assad ou sous la férule de l’état islamique. Et encore faut-il, nous dit cet article 31 de la convention de Genève, que le réfugié fasse la démarche rapide de se présenter aux autorités pour exposer son cas, sans quoi des sanctions pénales s’appliquent : ce cas de figure n’est pas, selon nos informations, celui des migrants. Les images qui sont parvenues jusqu’à nous montrent des foules introduites sans autorisation en Hongrie se pressant dans la gare de Keleti à Budapest pour rejoindre au plus vite l’Allemagne.

Quel genre d’avocat M. Pardavi est-elle donc ? Est-ce le rôle d’un avocat que de méconnaître ou de déformer les textes qu’il cite pour soutenir sa thèse ? Comment une personne présentée comme spécialiste de ces questions a pu ainsi vider de son sens même la convention de Genève en accusant les Hongrois de la violer, alors que ce texte ne s’applique pas au cas présent ? Et Le Monde ne se donne même pas la peine de vérifier cette simple information, accessible en un clic, en induisant des idées fausses chez ses lecteurs. Est-ce bien la peine de vociférer sur la “honte” et d’invoquer le souvenir d’une époque fasciste, quand on renonce au simple fait d’informer et que l’on se fait ainsi complice de la propagande, comme aux pires heures de l'histoire européenne ?

Au camp “égoïste” dirigé par la Hongrie, on vient d’ajouter quelques autres pays ayant annoncé leur réticence ou leur refus à l’accueil des réfugiés. Il s’agit de la Pologne, de la Tchéquie, de la Slovaquie et de la Roumanie. Comment l’expliquer ?

"A la différence de l'Ouest, l'Europe centrale a échappé aux flux de population post-coloniaux, avance, de son côté Christian Lequesne, professeur à Sciences-Po Paris. Leur opinion n'a pas eu l'expérience du cosmopolitisme. Ils ne sont pas habitués à cohabiter avec des cultures distinctes."
C’est un peu vite dit. La population tzigane, présente dans ces territoires depuis des siècles, ne représente-t-elle pas une “culture distincte” de celle des nationaux polonais, tchèques ou roumains ? Va-t-on nier l’importance historique des Juifs en Bohême ou en Moldavie ? Budapest n’était-elle pas, de la dernière partie du XIXe siècle à la seconde guerre mondiale, un carrefour où se retrouvaient des hommes de tous horizons ? La droite nationaliste d’alors vitupérait bien assez contre le “cosmopolitisme” honni de la capitale hongroise. Comment peut-on avancer que cette habitude de “cohabitation” avec des “cultures distinctes” manque cruellement à ces pays ?

En réalité la question posée - mais bien mal posée - est celle de la peur de l’islam : or, pour répondre à cette question, les postures idéologiques ne sont d’aucune aide et nul anathème ne saurait faire oublier que l’islamisme a déclaré la guerre à l’Europe.

Très chrétiennement, La Croix s’afflige et déplore “UN MANQUE D’EMPATHIE PARADOXAL” (http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Les-reticences-de-l-Europe-centrale-face-aux-refugies-2015-09-14-1356134)
Violences d’une journaliste hongroise contre des réfugiés, humiliations par des policiers à la frontière entre la Serbie et la Hongrie… Une telle crainte s’exprime dans sa version exacerbée ces derniers jours, soulignant un manque d’empathie, paradoxal dans des pays dont des milliers d’habitants, à l’époque communiste, ont eux-mêmes pris la fuite.
On peut penser que ces pays savent mieux que nous les circonstances de ces fuites : quand un Polonais, un Allemand de l’Est ou un Tchécoslovaque voulait passer à l’Ouest, il risquait d’être abattu sans sommation. S’il parvenait à franchir le rideau de fer, il devait se faire reconnaître par les autorités locales et subir des interrogatoires parfois poussés, et seulement ensuite, il pouvait rejoindre officiellement le monde libre.

Les Serbes traquent-ils les migrants pour les assassiner ? Les journalistes ne l’ont pas rapporté. Les migrants introduits frauduleusement en Hongrie se présentent-ils spontanément aux autorités pour faire reconnaître leur droit d’asile ? Il semblerait bien que non. Dès lors, où est le paradoxe déploré par La Croix ?

L’accusation, naturellement, embrasse une dimension plus vaste : comment des pays ayant vécu la dictature pendant plusieurs décennies peuvent-ils manquer ainsi de coeur ? Pour connaître un peu, ou parfois même assez bien, la mentalité de ces pays, je peux avancer une explication : leur histoire même fait qu’ils ne vivent pas dans le pieux mensonge qui, chez nous, a survécu au communisme. Ils savent fort bien qu’une politique guidée par les bons sentiments peut cacher la pire catastrophe. Cela, ils l’ont payé au prix fort, sous la férule d’une idéologie se présentant comme pacifiste, égalitaire et bienveillante, alors qu’elle n’était que haine, injustice et vouée aux crimes de masse. Tout comme nous, ils lisent les méfaits islamistes dans la presse, mais à la différence de nous, ils ne s’empressent pas de les expliquer par des aspects sociaux ou des réactions à la période coloniale - on a remarqué à juste titre qu’ils furent eux-mêmes envahis ou menacés par une grande puissance coloniale et musulmane, l’Empire Ottoman. Il faut sans doute voir là le désir de la Slovaquie de n’accueillir que quelques familles, toutes chrétiennes.

Je ne prétends pas qu’ils aient raison d’agir ainsi : je veux simplement souligner que l’apparent manque de cœur peut cacher une certaine lucidité, et que nous aurions tort de traiter par le mépris ces quelques pays qui ont peut-être des choses à nous apprendre.

La peur d’amener de l’eau au moulin de l’extrême-droite explique sans doute le refus, conscient ou non, d’examiner les faits. C’est une vieille scie identitaire que de considérer les étrangers comme une menace systématique - cette scie qui travaille toutes les pages du Camp des Saints. En l’occurrence, comme on peut penser qu’il s’agit majoritairement de musulmans, le péril de l’islamisme est exacerbé par la mouvance extrémiste. C’est précisément pour sortir de ce fantasme qu’un accueil raisonné et systématique des populations est nécessaire, de déclencher si besoin est la procédure d’asile humanitaire et de sanctionner les faux réfugiés - comme le demande explicitement l’article 31 de la convention de Genève. C’est l’honneur des pays démocratiques de combattre les dictatures et d’en accueillir les victimes ; cette politique exige en retour une véritable vigilance, comme à l’époque de la Guerre Froide, et pour des raisons en partie similaires.



Le livre


Et maintenant, qui sont les "envahisseurs" du Camp des Saints ? Sont-ils des réfugiés chassés par une guerre ? Des migrants économiques ? Des terroristes ?

Non. Rien de tout cela : il s’agit de mystiques. Leur but est d'occuper une terre de rêve (le Sud de la France) et d'accomplir ainsi une "prophétie", mettant un terme au "temps des mille ans". Ces damnés de la terre ne sont pas, comme nous le dit la presse aujourd’hui au sujet des migrants, des familles relativement aisées et diplômées.

Est-ce cependant un grand roman ? Non. Raspail tartine des gros mots à coups de moufles. Il cherche à être cru : il l'est. L’ouvrage reflète bien son époque, celle où un art - souvent mineur - veut choquer, secouer le bourgeois, démontrer combien notre société désacralisée est minable, habitée, à de rares exceptions, par des citoyens sans âme ni courage. Ce sont les années des films crépusculaires, la Planète des Singes ou la Nuit des Morts-Vivants, du western spaghetti, où la fripouille sans foi ni loi a remplacé John Wayne et autres grands mâles blancs dominants. Les hordes d’immigrés évoquent les théories - fausses - de l'essai La Bombe P, grand succès de 1968 dû à Paul R. Ehrlich, qui prévoyait la destruction du monde à cause de la croissance des populations.

Cette balourde exhibition de mauvais goût et de désespoir n'a finalement engendré que des œuvrettes racoleuses et sans fond, n'en déplaise aux nostalgiques des séries Z qui voudraient élever un film de zombies au niveau d'un Citizen Kane. Bien dans son époque, le roman de Jean Raspail multiplie les provocations. L'étranger n'a pas de visage : c'est une foule, comme celle des fourmis, une infection microbienne. Les seuls Indiens détachés de la masse sont un répugnant coprophage et son rejeton, une créature difforme sans membres et apparemment animé d'un esprit démoniaque.

Les héros de Raspail sont des assassins : Calguès, professeur de lettres, abat un jeune sympathisant des Indiens dès les premières pages du livre.
"J’aurais probablement fait un bien mauvais soldat. Toutefois, avec Actius, je crois que j’aurais joyeusement tué du Hun. Et avec Charles Martel, lardant de la chair arabe, cela m’aurait rendu fort enthousiaste, tout autant qu’avec Godefroi de Bouillon et Baudoin le lépreux. Sous les murs de Byzance, mort aux côtés de Constantin Dragasès, par Dieu ! que de Turcs j’aurais massacrés avant d’y passer à mon tour !"
Après son discours, Calguès tue simplement son interlocuteur. Le vieil amoureux des lettres sera l'un des rares personnages "positifs" du roman. Par "positif" j’entends qu'il est, sous la plume de Jean Raspail, l'un des seuls qui tente de s'opposer à l'invasion, sauvant en quelque sorte l'honneur de la France. Ses compagnons se nomment Constantin Dragasès, homonyme du dernier empereur de Byzance - le dernier Romain, pour ceux à qui cela échapperait - ici colonel à la tête de chars d'assaut. Il écrase sans sourciller un opposant étendu en travers de la route. Luc Notaras, capitaine du cargo Île de Naxos (oui, les symboles se ramassent à la pelle), sème la mort parmi des Indiens naufragés :
"Et droit devant, sous la proue du navire lancé à pleine vitesse, commençait le champ marin de fleurs noires aux pétales blancs, morts et vivants balancés par la houle comme une cressonnière humaine. À vingt-cinq noeuds, le cargo grec île de Naxos, par la volonté de son capitaine et la passivité coupable de son équipage, perpétra en cinq minutes un millier d’assassinats. Hormis les actes de guerre, ce fut probablement le plus grand crime de l’histoire du monde jamais commis par un seul homme. Un crime que le capitaine Notaras considérait justement, à tort ou à raison, comme un acte de guerre, probablement commandé par le nom qu’il portait et le souvenir qui s’y rattachait"
Ses héros - disons - sont donc d'affreux jojos assassins et fiers de l'être. L'objectif est simple : il faut taper à l’estomac. Raspail se régale en voulant faire hurler ceux qu'on n’affublait pas encore du sobriquet “droitsdelhommiste”. C'est une guerre, et en guerre, tout est permis, n'est-ce pas ? L'argument des tortionnaires de tout poil, ces bienfaiteurs dont l'humanité s’enorgueillit tout au fil du XXe siècle et aujourd'hui, se retrouve ici chez les derniers remparts de la chrétienté.

On se demande comment un ouvrage si mal écrit paraît avoir rencontré un tel succès. Il fallait l'art d'un Houellebeck, tout en ironie et en finesses, pour décrire ce déclin d'un monde, chose que l'on regrette à chaque pas que font les gros sabots de Raspail. Kundera ou Muray ont écrit des pages incomparablement plus pertinentes et intelligentes sur la mort de l’Europe.

Mais ici, l’auteur abuse des énumérations et des points de suspension : c'est que le narrateur, plus proche de Barjavel que de de Céline malgré tout, est aussi un acteur du combat. Il ne suggère pas, il assène. Il ne décrit pas, il vous enfourne ses certitudes avec un refouloir. Il est si accaparé par son sujet qu'il en néglige les règles de l'art. Sa conviction d'avoir raison contre un monde impuissant fait de son livre une caricature assommante. Raspail badigeonne joyeusement un récit de sang et de haine avec des pinceaux gras. Le résultat est un livre pénible, verbeux et prévisible, sorte de condensé de tout ce que la vieille droite française peut avoir amassé de rancœur au fil du temps. La mollesse de nos contemporains fait écho à la débâcle de 1940. L'Etat est impuissant, ferme dans ses déclarations et couard dans l'application d'une quelconque politique. La mondialisation (le terme n'est pas employé, pas encore à la mode en 1973, mais l'idée est là) est un mal souverain, car elle dilue notre identité. La religion chrétienne n'est plus qu'un ectoplasme.

Raspail n'a écrit ni prophétie ni oeuvre littéraire de valeur. Il pose cependant une question qui reste pertinente : un certain aveuglement angélique devant une réalité qui nous déplaît. Hélas, mille fois hélas, sur ce point précis, il est impossible de lui donner tort.