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dimanche 17 octobre 2021

Zemmour au fil des jours - 17 octobre 2021

17/10/2021

Pascal Praud a eu mille fois raison, cette semaine, de critiquer la façon dont Zemmour cite Les Tontons flingueurs dans un chapitre où il évoque l'assassinat d'enfants par Mohamed Merah. Je trouve ce passage, ainsi que quelques autres, navrant au plus haut point. Je me reconnais dans la plupart des critiques adressées au parallèle que fait l'écrivain entre l'assassin et ses victimes. Rien ne va dans ce court chapitre intitulé "La terre et les morts", ni l'enchaînement logique des prémisses, ni le style, ni les références. La conclusion est l'aboutissement de cette incohérence conceptuelle : "Étrangers avant tout et voulant le rester par-delà la mort". Aux dernières nouvelles, un mort ne "veut" rien du tout, et c'est se prendre pour une sybille que d'expliquer la volonté post-mortem de jeunes âmes avant leur calvaire. Il flotte dans cette phrase un parfum mystique dont Zemmour est parfois coutumier (on se souvient de son étonnante remarque sur les morts rapprochées de Coluche, Le Luron et Véronique Mourousi dans le Suicide français - étonnante, mais révélatrice).

Le choix de citer Les Tontons flingueurs, dans ce cadre, est évidemment une bourde monumentale. En dehors de ce contexte, les références à ce film peuvent également être discutées : le cinéma d'Audiard est parfois réjouissant et souvent affligeant, et les Tontons n'échappent pas à ce trait de caractère. Ces films français d'un certain genre et d'une certaine époque flattent le goût nostalgique de quelques générations (celle de Zemmour, celle de Pascal Praud), attirance à laquelle je n'échappe pas non plus, sans pour autant m'illusionner au point de voir là des œuvres impérissables du 7e Art. Leur charme est ailleurs, dans le portrait d'une France qui n'est plus, un pays que l'on aimait brocarder le sourire en coin et qui aujourd'hui nous fait cruellement défaut.

Dans la presse :

Sur les réseaux sociaux, un homme veut que les musulmans se réunissent pour « couper la tête » d'Éric Zemmour et de Marine Le Pen (Le Figaro)

Pour Yannick Jadot, Éric Zemmour est un « petit collabo de salon » (Le Point)

Éric Zemmour ou la revanche de Charles Maurras (La Règle du Jeu)

On est en direct : Jordan Bardella tacle Eric Zemmour sur la question des prénoms (Télé 7 jours)

Eric Zemmour is France’s Margaret Thatcher (The Spectator)

Éric Zemmour, el torbellino ultra que agita las presidenciales francesas (Leonoticias)

Saiba quem é Eric Zemmour, a nova face da extrema direita da França (Brasil247)


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mercredi 29 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 29 septembre 2021

29/09/2021

Un sondage donne Zemmour à 13%. Affolement dans tous les rangs. J'avoue n'avoir aucune confiance dans ce genre d'estimations dont l'intérêt est de verser dans le sensationnel pour des raisons évidentes et mercantilistes. De Villiers, le copain de Zemmour, avait lui-même expliqué comment manipuler les sondages dans un de ses livres, les partisans du candidat-sans-l'être devraient pourtant le savoir.

Zemmour aime bien parler de cinéma. Mais pas de n'importe quel cinéma, il évoque volontiers des films grand public, ceux qui faisaient le succès de ses années d'enfance ou d'adolescence à la télé. Un cinéma souvent séduisant, parfois bon avec de longs tunnels de facilités qui le rend aujourd'hui difficile à regarder (je sais combien on peut être attaché à des œuvres qui dépeignent une autre époque et ont accompagné nos jeunes années, sans que cela pour autant soit un gage de qualité. Quand il m'arrive de voir, ou de revoir, l'un de ces phénomènes qui comblaient les salles dans les années 60 et 70, je ne peux m'empêcher de tiquer devant les procédés faciles, les zooms intempestifs, la musique racoleuse). L'une des seules fois où il s'aventure à évoquer le "grand cinéma" c'est pour commettre une regrettable erreur :

"Il vous faut désormais débrancher un à un, à la manière de la mise à mort de l’ordinateur HAL, dans le vieux film de Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace, tous les fils qui donnent vie au monstre."

N'en déplaise à Zemmour, ce "vieux" film est plus moderne que l'immense majorité des blockbusters, études intimistes et autres mièvreries plus ou moins subventionnées ou lobbyistes qui ont envahi le 7e Art. Et HAL n'est certainement pas mis à mort, mais rendu amnésique par l'astronaute survivant, Bowman, qui retire un à un les blocs mémoire de l'ordinateur à l'aide d'un tournevis. Le cerveau électronique devient inoffensif par la perte progressive et inexorable de sa mémoire. Si Z avait revu le film avant d'écrire son livre, il aurait certainement pu glaner ici une de ces allégories qu'il aime tant.

Occasion manquée pour l'homme qui se pose en exégète de Gérard Oury : "Oury continue de revisiter notre histoire l’année suivante avec La Grande Vadrouille. L’Occupation, la Résistance, la Libération. Les Français sont des antihéros héroïques, les soldats allemands sont des occupants inquiétants mais corrects ; tout le monde est tourné en dérision, mais personne – ni Français ni Allemand – n’est ridicule."

Ouille ! Il n'est aucunement question de la Libération dans la Grande Vadrouille, et il est évident, me semble-t-il, que tout le monde est ridicule dans ce film, sauf les Anglais, héroïques, courageux, volontaires ; en un mot, ce sont eux qui nous ont soutenus presque malgré nous pendant la guerre. La chose devrait faire hurler Zemmour qui aime rappeler les liens privilégiés des Britanniques avec les Allemands dans les années 30. Grâce à ce film, bien des petits Français ont grandi dans l'idée que nous étions des types un peu à la ramasse sortis de l'abîme par nos amis d'Outre-Manche. Ce n'est pas tout car, lit-on plus bas, Oury est une sorte de de Gaulle de la chose filmée :

"Question de l’Ancien Régime, question sociale, question allemande, question juive : Oury traite, en n’ayant l’air de rien, et sans doute sans l’avoir conceptualisé, les quatre « questions » qui ont coupé la France en deux camps irréductibles depuis la Révolution ; près de deux siècles de guerre civile française expédiés en quelques images, en quelques rires, en quelques tirades. Oury est au cinéma ce que de Gaulle fut à la politique : le grand réconciliateur."

Vouaï. C'est gonflé de comparer un réalisateur plus ou moins habile, mais certainement pas un ténor du genre, avec l'homme qui incarna la résistance. Gonflé et, à mon sens, excessif, car les pochades un poil grossabottesques de M. Oury ne sauraient prétendre "traiter" en quoi que ce soit des questions aussi sérieuses et complexes. Y voir autre chose que de l'humour (ou des tentatives de faire de l'humour) teinté de bons sentiments (surtout dans Les aventures de Rabbi Jacob) serait pour le moins un drôle de micmac : Zemmour invente, extrapole et ajoute de nouveaux phénomènes à sa vision holiste de la société. Oui, holiste : c'est là qu'est l'os.

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jeudi 9 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 9 septembre 2021

09/09/2021

J'ai entendu, par bribes, car je suis au travail, l'hommage à Belmondo. Curieusement, le passage musical de la Marseillaise que j'évoquais ici il y a quelques jours, non au sujet de l'acteur, mais de la campagne de Zemmour, a retenti (Liberté ! Liberté ché-éri-e), sans que je ne m'explique son rapport avec le disparu. Et puis, hélas, hélas, la musique d'Ennio Morricone pour je ne sais plus quel film (le Professionnel ?), absolument logique, bien entendu, et résolument révoltante, entre les mains expertes de la Garde Républicaine, me crève le cœur, comme le fait, toutes les fois que j'y songe, la déchéance du vieux professeur "Unrath" dans l'Ange bleu - métaphore lucide d'une civilisation qui s’effondre en oubliant son héritage.

Face à l'info. Z est bon au sujet du procès de Salah Abdeslam : son analyse est brillante, originale, convaincante - même si on imagine que les réactions défavorables seront nombreuses. C'est avec ce genre d'interventions qu'il se rend précieux, car unique, ou presque, dans une offre médiatique très majoritairement portée sur l'édulcoration ou l'omission des faits, quand elle n'avance pas d'analyses baroques pour "sauver la ligne" et perpétuer "la grande parade" qu'avait si bien décrite Revel. C'est là le plus grand point fort de Zemmour, qui présente en même temps une kyrielle de faiblesses criantes. Ce tableau ne fait pas de moi un de ses possibles "électeurs naturels", tant sont grandes les réserves qu'il suscite.

Après un commentaire sur les ONG et le futur de Benoît Hamon, il en vient à la décision du CSA, qui a décidé de décompter son temps de parole à partir d'aujourd'hui. "Les politiques sont tellement lâches qu'ils se cachent derrière un organisme soi-disant indépendant", assène-t-il, et ajoute un "j'accuse" où il cite nommément Emmanuel Macron. Gonflé. La guerre est-elle déclarée ?

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lundi 6 septembre 2021

Zemmour au fil des jours - 6 septembre 2021

06/09/2021

L'Homme de Rio ne répond plus. Si je m'écoutais, là, tout de go, et sans égard pour le devoir de réserve qui suit un deuil, je donnerais tout Belmondo pour dix minutes de Delon dans Plein Soleil. Oh, Bébel a fait de bons films, sans aucun doute, à côté d'une belle brochette de navets. Son malheur, et le nôtre, est peut-être d'avoir accepté le rôle de Stavisky, d'essuyer un échec retentissant et de se cantonner par la suite à des rôles d'amuseur public, non sans talent, mais avec beaucoup, beaucoup trop de déchet.

Z note que l'époque de Belmondo, Delon, Bardot, Johnny, aurait regardé avec un drôle d'air la fluidité des genres, et d'autres théories semblables de notre temps. Bien. Sauf que rien n'était nouveau sous le soleil. Charles Boyer incarnait lui aussi, et combien, un magnifique mâle français (je ne me souviens pas qu'on ait mobilisé de la sorte tous les médias pour la mort de Charles Boyer, mais j'étais alors trop jeune, et n'avais de toute façon jamais entendu parler de Charles Boyer). Pour le dire autrement, je regrette que l'on sublime un peu trop, me semble-t-il, l'esprit français et le génie de Belmondo, traits qui étaient présents dans la grande tradition de nos acteurs, dont le talent m'apparaît, bien souvent, supérieur à celui du cher disparu, sans que l'on ne s'avise trop de le célébrer.

vendredi 11 février 2011

The Ghost Writer - L’homme et son fantôme

Roman Polanski est-il un grand cinéaste ? Sans aucun doute. Mais après avoir utilisé un adjectif aussi plat que « grand », je me dois de compenser cette banalité par une justification dans les règles.

Dans son dernier film, un jeune écrivain britannique (Ewan McGregor) est chargé de réécrire la biographie d’un premier ministre anglais à la retraite (Pierce Brosnan). Le précédent nègre – en anglais, « écrivain fantôme » - est mort l’on ne sait trop comment : accident ? suicide ?

Les entretiens du nouveau ghost writer et de l’homme politique se déroulent sur une île au large de New York. Là, dans une vaste villa moderne et inquiétante, l’ex prime minister a installé son staff. Au fil de son enquête biographique, l’écrivain met à jour des contradictions, qui le mèneront au cœur d’intrigues politiques compliquées - jusqu’à la découverte d’une incroyable vérité.

L’on ne trouvera pas ici l’histoire du film en détail. Quel intérêt de vouloir plaquer des mots sur une telle leçon de cinéma, précisément conçue pour être vue ? Il y a longtemps que le grand écran ne nous avait plus proposé une oeuvre d'une telle perfection artistique.

L’intrigue installe en douceur mais sans complaisance la sensation de malaise qui étreint le personnage principal. A peine croit-il maîtriser les événements qu’il bascule dans de nouvelles péripéties. Cette course à l’abîme très polanskienne rappelle celle de la Neuvième porte. Le spectateur, témoin du questionnement du héros, l’accompagne dans cette quête mortifère.

Et pour parvenir à ce résultat, Polanski sait filmer les choses sans importance, les petits riens qui justement donnent du relief au récit. L’hésitation des employés du bateau face à une voiture abandonnée, le vain acharnement du jardinier confronté au vent éparpillant les feuilles, le bref embarras du héros à faire coulisser la poignée de sa valise : autant de détails sans importance et d’une très grande force. Sans importance, car les supprimer ne modifierait en rien l’intrigue. D’une très grande force, car leur présence donne justement son intérêt à la narration. Enlevez-les, et le film devient juste bon, voire banal, venant grossir la masse de ces innombrables séries américaines qui peuplent les heures de grande écoute.

Conservez-les comme l’a voulu Polanski, et le film est irremplaçable, unique. Quel autre cinéaste est encore capable d’illustrer avec un tel soin de l’ordinaire une histoire précisément extraordinaire ?

Ce résultat est obtenu sans pathos, sans affect, de façon très naturelle. Polanski montre à quel point il est capable de filmer des scènes où, virtuellement, il ne se passe pas grand-chose. Que ferait un réalisateur moyen ? Des gros plans, une musique angoissante, des séquences hachées. Un montage d’où le doute et l’embarras seraient absents, où chaque sentiment serait souligné au crayon gras, imposé au spectateur. Une sorte de jeu télévisé où le public serait invité à applaudir, huer ou sangloter selon les pancartes qu’on lui présenterait.

Rien de tel chez Polanski. Son cadrage sans fard présente les choses telles qu’elles sont. Aucune recherche de spectaculaire. Aucune musique tonitruante. Et le résultat parle pour lui : on sait gré au cinéaste de faire confiance à l’intelligence de ses spectateurs.

La technologie tient un rôle particulier dans l’intrigue. Les objets inanimés ont-ils une âme électronique ? L’on ressent, de la part du cinéaste, de l’ambivalence envers une certaine modernité qui nous aide et nous moucharde en même temps. Un numéro de téléphone portable, laissé par le nègre décédé, met involontairement le héros en relation avec un personnage inattendu ; le GPS habité par une volonté propre qui mène le jeune homme vers une curieuse destination ; Google au courant des relations troubles de certains protagonistes avec les milieux industriels et militaires.

A travers cette manifestation technologique, le nègre mort recommence sa propre enquête. Le jeune homme incarne sa volonté défunte. Le ghost writer réalise en quelque sorte l’accomplissement d’un écrivain fantôme. Le titre du film désigne dès lors les deux personnages, le vivant et le mort, soumis aux mêmes tentations et mus par des forces qui les dépassent.

Mais Polanski se moque aussi des clichés technologiques qui usent jusqu’à la corde le cinéma commercial. Un document est protégé par mot de passe ? Le héros tape au hasard quelques touches. Comme on l’a vue et revue, cette scène idiote où un inconnu parvient à découvrir en trois tentatives un password mystérieux, en essayant successivement le nom de la maman, des enfants ou du chien du propriétaire. Très fugitivement, l’on se plaint de voir Polanski tomber dans ce travers.

Pensez-vous ! Non seulement il l’évite mais il se moque encore de nous en faisant retentir une alarme que nous identifions aussitôt comme liée à la tentative d’intrusion, alors qu’il n’en est rien.

Un mot des acteurs. Ewan McGregor fait oublier ses mauvais films pour apparaître aussi remarquable de nuances et de naturel que dans Le rêve de Cassandre, dirigé par Woody Allen. L’on se félicite que Hugh Grant, à l’origine prévu pour le rôle, ait déclaré forfait. Pierce Brosnan incarne à merveille le double de Tony Blair, féru d’exercices physiques, de footing et de tennis, et fidèle toutou des Etats-Unis de George W. Bush. L’actrice dramatique Olivia Williams donne toute sa finesse ambiguë à l’épouse du ministre. Kim Cattrall est impeccable en carriériste de l’ombre. Tous les seconds rôles sont aussi marquants que des personnages côtoyés dans le réel : encore la preuve que Polanski sait comment filmer ces fragments de vie qui font tant la différence.

La situation mise en scène étonne par sa vraisemblance : un premier ministre britannique convoqué devant la Cour Internationale de Justice de La Haye pour avoir autorisé des tortures mortelles. Ainsi, l’outil de lutte contre les pires régimes se retourne contre ceux qui justement l’ont mis en place. Toute la question de la critique démocratique est contenue dans cette hypothèse : qui suis-je, si j’emploie les mêmes méthodes que le monstre que je prétends combattre ?

Mais elle étonne aussi par son invraisemblance. Une « taupe » d'une puissance amie au plus haut niveau de la politique anglaise ? Les méchants américains, coupables d’avoir mis le Moyen-Orient à feu et à sang à cause du lobby militaro-industriel ? Et, juste avant la fin (mémorable séquence où un billet passe de main en main), pourquoi ce geste bravache et inutile du jeune écrivain ? Un individu ordinaire n’aurait vraisemblablement pas pris un tel risque après avoir découvert l’ultime secret de l’histoire.

Peu importe. Là n’est pas le sujet du film. Il reste celui d’une quête, pas d'une question du bien ou du mal qui n’intéresse pas Polanski. Son cinéma est intelligent, bien filmé, parfaitement dirigé. Le cinéaste n’a rien perdu de sa maîtrise, bien au contraire. Il prouve que le 7e Art se passe fort bien d’extra-terrestres à la peau bleue ou aux allures de crevettes, de cataclysmes géants, de pseudo-psychologie fastidieuse, de social, d’érotisme facile, de 3D, d’effets de zoom et de musique tapageuse.

Qui, après Roman Polanski, saura encore servir de cette manière le cinéma ? Se poser la question, c’est déjà comprendre à quel point il est grand.



The Ghost Writer, sorti le 3 mars 2010
Réalisé par Roman Polanski

Avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Olivia Williams, Kim Cattrall, Timothy Hutton, Tom Wilkinson, etc.
Sur un scénario de Robert Harris et Roman Polanski, d’après l’œuvre de Robert Harris

Directeur de la photographie Pawel Edelman
Monteur Hervé De Luze
Chef décorateur Albrecht Konrad
Costumière Dinah Collin
Compositeur Alexandre Desplat
Directrice du casting Fiona Weir

Voir détails sur http://www.allocine.fr/film/casting_gen_cfilm=132406.html